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- PAR CHANTAL HÉBERT

C’est un euphémisme de dire que la campagne électorale a été rude pour le Parti québécois. D’un bout à l’autre du processus, la formation de JeanFranço­is Lisée est restée collée en troisième place, à l’écart du bras de fer CAQ-PLQ pour le pouvoir.

Le chef péquiste a passé sa fin de campagne à tirer à boulets rouges sur Québec solidaire, un parti qui n’était pas dans la course pour former un gouverneme­nt le 1er octobre. Dans l’histoire du PQ, on peut dire que la campagne de 2018 a été une expérience inédite dans le mauvais sens du terme.

C’était également la première fois que les baby-boomers ne formaient pas la tranche la plus importante de l’électorat. Le scrutin de 2018 a été marqué par l’entrée en scène d’une imposante cohorte d’électeurs âgés de 18 à 34 ans. L’élection du 1er octobre a donné un avant-goût de la façon dont l’arrivée de la génération Y dans le portrait politique est susceptibl­e de changer la donne.

Car la démographi­e électorale est loin d’être étrangère à l’atterrissa­ge désastreux de la campagne du PQ. Ainsi, c’est d’abord aux enfants du millénaire que Québec solidaire doit son succès d’estime. D’un sondage à l’autre, la cohorte la plus jeune de l’électorat est allée grossir les rangs des partisans de QS. Le phénomène s’est amplifié après le dernier débat de la campagne, celui qui a vu Jean-François Lisée attaquer de front Manon Massé.

En toute justice pour M. Lisée, le Parti québécois avait déjà perdu une bonne partie des « milléniaux » bien avant les débats, la campagne électorale ou même son arrivée comme chef.

La cassure entre le PQ et la cohorte la plus jeune de l’électorat remonte plutôt à l’épisode de la charte de la laïcité, un projet qui a eu un effet de repoussoir pour une génération peu friande de politiques à saveur identitair­e.

Au Québec, bien des Y consacrent au dossier de l’environnem­ent — un créneau que Québec solidaire a privilégié — la passion que la question nationale a longtemps inspirée aux babyboomer­s. Et dans le reste du Canada, l’importance qu’accorde la plus récente génération d’électeurs à la question des changement­s climatique­s n’est pas étrangère à l’influence croissante du Parti vert dans l’arène provincial­e.

En Colombie-Britanniqu­e, ce sont les verts qui détiennent la balance du pouvoir à l’Assemblée législativ­e de Victoria depuis un an et demi. Tribu-

taire de leur appui pour se maintenir au pouvoir, le gouverneme­nt néodémocra­te minoritair­e de John Horgan n’a pas les moyens de baisser les bras dans la bataille qui l’oppose à Ottawa sur l’expansion de l’oléoduc Trans Mountain.

Au Nouveau-Brunswick, le mois dernier, le Parti vert a réussi à faire élire trois députés, alors que le NPD faisait chou blanc. Ni les libéraux ni les conservate­urs n’ont gagné une majorité de sièges. Si le nouveau gouverneme­nt néo-brunswicko­is veut diriger la province sans avoir à se rendre à toutes les conditions de l’Alliance des gens, un parti connu pour ses positions antibiling­uisme qui détient également trois sièges à l’issue du scrutin, il devra composer avec les verts.

À l’Île-du-Prince-Édouard, le Parti vert dispute la première place dans les intentions de vote aux libéraux qui gouvernent à Charlottet­own. Dans les plus récents sondages, le parti écologiste cavalait loin devant l’opposition officielle conservatr­ice.

En Ontario, le chef du Parti vert — Mike Schreiner — a fait une entrée remarquée à Queen’s Park en juin dernier, malgré la vague bleue qui a déferlé sur la province et porté au pouvoir un gouverneme­nt conservate­ur majoritair­e.

Aux élections fédérales de l’automne prochain, les enfants du millénaire vont former la cohorte la plus importante de l’électorat. Cela pourrait influencer la suite des choses pour Justin Trudeau.

Le projet libéral d’instaurer un prix plancher sur les émissions de carbone sera vraisembla­blement un des grands thèmes de la campagne fédérale. À l’instar de leurs cousins ontariens et albertains, les conservate­urs d’Andrew Scheer ont en effet signifié leur intention de transforme­r le scrutin en plébiscite sur le plan de lutte contre les changement­s climatique­s du premier ministre Trudeau.

Et ils ont déjà affiché leurs couleurs : un gouverneme­nt Scheer passerait le programme libéral à la trappe — à commencer par la taxe sur le carbone — pour mettre tout son poids derrière l’expansion du réseau canadien d’oléoducs.

Parmi les principaux partis fédéraux, les conservate­urs sont les plus mal-aimés des « milléniaux ». À l’évidence, le parti d’Andrew Scheer calcule qu’il peut gagner sans eux. C’est un pari risqué.

L’élection du 1er octobre a donné un avant-goût de la façon dont l’arrivée de la génération Y dans le portrait politique est susceptibl­e de changer la donne.

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