L’actualité

Le déclenchem­ent

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Pour l’opération « lunch » du PQ, l’équipe de Yanick Grégoire achète sur Facebook de l’exposition auprès des familles de la banlieue au nord et au sud de Montréal. La publicité atteindra 54 678 personnes, pour quelques centaines de dollars.

DDans la salle de réunion de l’équipe numérique du Parti québécois, une pièce sans âme aux murs gris avec des tables et des chaises pliantes louées, les sept spécialist­es — six gars et une fille — enregistre­nt une moyenne d’âge de 24 ans. Le « vétéran » qui dirige le groupe, Yanick Grégoire, a 30 ans.

Pour s’amuser, les « geeks du PQ », comme ils se surnomment, allument une ampoule rouge au-dessus de la porte de leur local lorsqu’ils sont en réunion ou qu’il y a une tempête à gérer sur les réseaux sociaux — un bonjour spécial à la candidate Michelle Blanc. « La lumière rouge, ça fait plus sérieux ! » lance Yanick Grégoire, qui en est à sa troisième élection générale.

En ce mercredi 22 août, veille du déclenchem­ent de la campagne, le groupe fait le point sur les publicités Web des adversaire­s. Ils ont remarqué que, sur Facebook, la CAQ fait seulement la promotion de ses candidates. « Ils avaient un petit retard à combler dans le vote des femmes », rappelle Lucas Medernach, responsabl­e des stratégies numériques et Français d’origine — qui n’a pas encore le droit de vote au Québec ! QS ne fait presque pas de publicité sur les réseaux sociaux, alors que le PLQ semble chercher quel message va atteindre sa cible : six variantes du premier ministre demandant un nouveau mandat circulent. « On a droit à toutes les nuances de Philippe Couillard ! » rigole Yanick Grégoire.

Pour l’équipe numérique, la journée est importante. Le chef du PQ, Jean-François Lisée, se rend dans la cuisine de son candidat dans Verdun, Constantin Fortier, pour annoncer la première promesse : la prise en charge par l’État des dîners des enfants du primaire. La propositio­n devrait plaire aux familles, particuliè­rement aux mères, souvent responsabl­es de ce petit défi quotidien.

Quelques minutes après, l’opération « lunch » démarre sur Facebook, la plateforme publicitai­re chouchoute des partis. L’équipe de Yanick Grégoire y achète de l’exposition auprès des familles de la banlieue au nord et au sud de Montréal, où plusieurs circonscri­ptions serrées sont en jeu. Ceux qui ont moins de 18 ans ou plus de 40 ans sont exclus. La publicité, où l’on peut lire « Libérez-vous des lunchs » sur un sac brun, atteindra 54 678 personnes. Pour quelques centaines de dollars.

Pour la première fois, les partis vont dépenser plus de 40 % de leur budget publicitai­re de campagne sur Internet, particuliè­rement sur les réseaux sociaux. Les formations ont toutefois des concurrent­s en cette rentrée scolaire. « Facebook met ses espaces de pub aux enchères et on est très nombreux à vouloir cibler les familles ces temps-ci. Je ne me bats pas seulement contre les autres partis, mais aussi contre Bureau en gros et Walmart ! Ça fait monter les prix », explique Sébastien Fassier, vice-président de l’entreprise Data Sciences, embauchée par le Parti libéral pour la campagne, et pour diriger la collecte d’informatio­ns de la base de données Lib Contact, en fonction depuis moins d’un an.

C’est Sébastien Fassier, qui a aussi travaillé avec les libéraux de Justin Trudeau en 2015, qui teste les publicités de Philippe Couillard sur Facebook. « On cherche à savoir ce qui marche le plus auprès de différents publics. On essaie les photos et les slogans. Quand ce sera plus clair, on va foncer avec un nombre restreint », m’explique-t-il au siège du Parti libéral.

Le jeudi 23 août, c’est le grand jour. Philippe Couillard se rend chez le lieutenant-gouverneur pour lui signifier que le Québec sera en élections.

Dès 6 h 30, les sept membres du war room de la CAQ tiennent une réunion téléphoniq­ue, la moitié de l’équipe étant à Montréal et l’autre avec le chef, qui lance sa tournée dans la capitale. La fébrilité est palpable. « On attend ce moment depuis longtemps. On est stable dans les sondages, ce qui est bien, je pensais que nous aurions perdu du terrain pendant l’été », dit Martin Koskinen.

Le directeur de cabinet prévient toutefois que la campagne sera longue. « On va se faire matraquer de partout. C’est difficile, être en tête. Ce qui fera changer les choses, c’est notre capacité de gérer les imprévus, de faire face à l’adversité », dit-il. Et en ce jeudi ensoleillé à Québec, l’imprévu, c’est Gertrude Bourdon.

L’ancienne PDG du CHU de Québec, pressentie par la CAQ pour devenir ministre de la Santé, se lancera en politique avec le Parti libéral. Son choix sera l’un des sujets chauds de cette première journée. Les conseiller­s de François Legault discutent de stratégie. « Il faut avoir de la hauteur », propose Martin Koskinen. « Je suis d’accord, il ne faut pas avoir l’air abattu », ajoute Guillaume Simard-Leduc, directeur des relations avec les médias, au début de la trentaine, qui accompagne le chef depuis des mois.

Gertrude Bourdon a rencontré François Legault trois fois et Martin Koskinen quatre fois. Elle a fait des demandes que le chef a jugées irréaliste­s. Le directeur de cabinet dit à ses collègues que si elle minimise son « flirt » avec la CAQ en conférence de presse, il n’hésitera pas à la contredire. « Je n’ai pas de problème à mettre mon intégrité en jeu là-dessus », dit-il. Le samedi suivant, la CAQ rendra publics certains échanges de textos entre Bourdon et Koskinen.

Au PQ, on met la touche finale à « l’opération rassemblem­ents » de la première semaine. Chaque soir, la caravane de Jean-François Lisée terminera sa course avec une assemblée de militants dans une région différente. « On veut montrer que notre base est mobilisée et qu’on est prêts pour la bataille », raconte Alain Lupien, directeur général du parti, de sa voix éraillée. Le parti veut attirer l’attention en ce début de campagne. « Troisième dans les sondages, on se bat contre l’indifféren­ce », dit-il.

Le point d’orgue de cette première semaine sera un rassemblem­ent, le jeudi 30 août, dans un parc de Pointeaux-Trembles, à l’extrême est de l’île de Montréal, où JeanMartin Aussant mène une chaude lutte contre la caquiste Chantal Rouleau. L’équipe s’assure que tout sera en ordre pour recevoir près de 1 000 personnes à ce concert en plein air. « J’ai loué le terrain de soccer pas loin de la scène pour éviter qu’il n’y ait un match en même temps ! Il me reste encore quelques artistes à convaincre », explique MarieAnne Alepin, responsabl­e des événements spéciaux.

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Dîner de l’équipe de la CAQ. À droite : Brigitte Legault, organisatr­ice en chef.

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