Deux autres enjeux des élections de mi-mandat
Les élections de mi-mandat, c’est un loooong bulletin de vote. Dont l’enjeu ne se limite pas au Congrès.
À l’échelle du pays, 36 États tiennent en même temps les élections de leur assemblée législative, l’équivalent des élections provinciales au Canada. Gagner ces États, où
36 postes de gouverneurs sont en jeu, dont 26 républicains, est crucial.
Contrairement au Canada, où un organisme indépendant s’occupe du découpage électoral, la tâche revient généralement au corps législatif. L’opération se tient tous les 10 ans, après chaque recensement. Facile alors de dessiner une carte qui avantage le parti au pouvoir.
C’est la tactique du
gerrymandering, la manipulation des limites électorales à des fins partisanes. Cet outil, l’un des plus controversés de la démocratie américaine, doit son nom à Elbridge Gerry, gouverneur du Massachusetts de 1810 à 1812, accusé d’avoir redécoupé une circonscription pour favoriser son parti. La forme du comté ressemblait à une salamandre
(salamander), d’où le néologisme gerrymander.
Plus de 200 ans plus tard, cette pratique a littéralement contaminé le système politique américain. Il s’agit de découper des circonscriptions afin de regrouper les adversaires à l’intérieur d’un nombre restreint de comtés. Ce qui donne à un parti la possibilité de filer avec un nombre de sièges bien supérieur au vote populaire.
De nombreux comtés aux formes complètement absurdes ont ainsi poussé un peu partout au pays depuis deux décennies. Des frontières impossibles, qui contournent des quartiers pour aller se prolonger dans une partie très éloignée de la ville. Ce ne sont plus les électeurs qui choisissent leurs élus, ce sont les élus qui choisissent leurs électeurs !
Les effets sont mesurables dans plusieurs États. En 2014, en Pennsylvanie, 44 % des électeurs ont voté pour les candidats démocrates, mais les républicains ont élu 13 représentants sur 18. En Ohio, 40% des votes sont allés aux démocrates, et les républicains ont raflé 12 circonscriptions sur 16.
Après les recensements de 2000 et de 2010, les républicains ont été systématiquement favorisés par les redécoupages. Les votes démocrates étant concentrés dans les villes, il est plus facile de les isoler.
La Cour suprême des ÉtatsUnis s’est partiellement prononcée sur un cas l’an dernier, estimant que le découpage arbitraire sur des bases raciales constituait de la discrimination. Mais les juges ont évité de trancher sur le fond de la pratique, préférant statuer sur des cas particuliers.
Le prochain redécoupage suivra le recensement de 2020. Les assemblées législatives élues le 6 novembre établiront donc les frontières électorales pour la génération à venir. Une autre raison pour laquelle la bataille s’annonce féroce.
L’autre débat concerne la « suppression des votes ». En 2013, la Cour suprême a invalidé une partie du Voting Rights Act de 1965 contre les pratiques électorales discriminatoires, estimant que des progrès suffisants avaient été faits en matière raciale.
Depuis, une dizaine d’États — la majorité acquis aux républicains — ont adopté des lois qui obligent les électeurs inscrits sur la liste électorale à présenter une carte d’identité pour voter. À l’instar de Donald Trump, les promoteurs de ces règles arguent qu’ils veulent prévenir la fraude électorale « massive ». Qu’on en juge : la Caroline du Sud a répertorié cinq morts qui auraient voté en 2016.
Ce pourrait être une mesure banale. Mais au Wisconsin, par exemple, 300 000 personnes n’ont ni acte de naissance ni permis de conduire, passeport, carte d’État ou militaire. En Virginie, ils sont 200 000.
Sans surprise, ces mesures pénalisent avant tout les électeurs les plus pauvres, majoritairement afroaméricains et latinos.