L’égalité entre les sexes, ÇA S’APPREND
L’égalité entre les femmes et les hommes n’est toujours pas chose faite au Québec, rappelle le Conseil du statut de la femme, un organisme qui a pour mission de conseiller le gouvernement du Québec et d’informer la population sur les questions d’égalité entre les femmes et les hommes. Et pour atteindre cette égalité, il faut revoir la façon dont on éduque les enfants, rien de moins.
Lorsque le mouvement #moiaussi a éclaté sur les réseaux sociaux, à l’automne 2017, Me Louise Cordeau, présidente du Conseil du statut de la femme, n’a pas été étonnée par cette vague de dénonciations d’agressions sexuelles et de harcèlement, car « de tels comportements inacceptables existent malheureusement dans toutes les sphères de notre société », témoigne cette avocate qui a longtemps travaillé comme dirigeante d’entreprise.
Une année après #moiaussi, deux ans après la vague de mobilisation contre les agressions sexuelles qui a eu lieu à l’Université Laval et quatre ans après #AgressionsNonDénoncées, le Conseil du statut de la femme constate que cette prise de parole des victimes s’inscrit dans un continuum. « La population a désormais conscience que ces comportements sont inacceptables et qu’ils ne peuvent être tolérés, affirme sa présidente. Toute violence est avant tout une question de rapport de pouvoir. Pour l’enrayer, il faut des changements fondamentaux au sein des relations entre les femmes et les hommes. »
Elle rappelle que les victimes de violence et d’agressions sexuelles sont très majoritairement des femmes et que, parmi elles, ce sont les adolescentes qui sont les plus touchées. En effet, selon les plus récentes données du ministère de la Sécurité publique, en 2015, 18 % des victimes d’agressions sexuelles déclarées ont entre 15 et 17 ans, 7 % ont 18 ou 19 ans, 12 % ont entre 20 et 24 ans et 14 % entre 25 et 34 ans. « Il faut donc agir rapidement, et ce, dès l’enfance », ajoute Me Cordeau.
Remonter à la source
Pour changer véritablement les rapports entre les femmes et les hommes, il importe de concentrer nos efforts auprès des enfants, croit Me Cordeau. « La clé est l’éducation à l’égalité », dit-elle. Le Conseil l’estime d’ailleurs incontournable pour résoudre les nombreux enjeux entourant l’égalité entre les femmes et les hommes. La violence, le harcèlement, la place des femmes en politique et dans les lieux décisionnels, le cybersexisme, la faible présence féminine en sciences en sont quelques exemples. « De ces réalités se dégage un dénominateur commun : l’importance d’agir en amont, dès la petite enfance », dit Me Cordeau.
« Les modèles que les parents, la garderie, l’école, les livres (voir l’encadré « Une autre lecture du monde »), la télévision et les médias numériques présentent aux enfants ne sont pas neutres : ils contribuent à former leur perception du monde, à façonner leur propre personnalité et à nourrir leurs rêves et leurs ambitions », explique Joëlle Steben-Chabot, professionnelle de recherche au Conseil du statut de la femme qui a contribué à la rédaction d’un avis du Conseil intitulé L’égalité entre les sexes en milieu scolaire, produit en 2016.
Dans cette perspective, la famille joue un rôle essentiel et déterminant dans cette éducation à l’égalité. Par leurs paroles et leurs gestes, les parents peuvent contribuer, bien qu’inconsciemment, à encourager et à renforcer les stéréotypes liés au genre (voir l’encadré « L’éducation à l’égalité à la maison »).
L’école a aussi un rôle majeur à jouer. Elle est un lieu privilégié qui permet aux élèves de comprendre, dès leur plus jeune âge, des notions comme le consentement, les stéréotypes et l’importance des relations amoureuses égalitaires. Le programme d’éducation à la sexualité qui vient d’être réintégré au cursus scolaire s’inscrit dans cette volonté de réduire les stéréotypes en abordant ces thèmes.
Mais bien plus, tous les futurs enseignants et enseignantes devraient, dans le cadre de leur parcours universitaire, recevoir une formation pour améliorer leur propre capacité d’agir pour favoriser l’égalité entre les sexes.
« En continuité avec la prise de conscience collective et les nombreuses actions déjà entreprises, force est de constater que les changements en faveur de l’égalité doivent s’inscrire dans une démarche à long terme interpellant la famille, l’école et l’ensemble des membres de notre société », conclut Me Cordeau.