L’actualité

Un plan de relance, mais à quel prix ?

- CHARLES GRANDMONT

C’est un Justin Trudeau sûr de lui qui dévoilera le 24 septembre son plan de relance postpandém­ique, pièce maîtresse du grand virage équitable et durable dans lequel il souhaite engager le pays pour les années, voire les décennies à venir. Après tout, les Canadiens sont parmi les plus satisfaits au monde de la gestion de la pandémie par leur pays, selon un sondage du centre de recherche américain Pew Research Center mené à la fin de l’été : 88 % estiment que ça s’est bien passé jusqu’à présent, un taux de satisfacti­on à des annéeslumi­ère de celui des Américains (47 %).

Que trouverons-nous dans l’ambitieux train de mesures économique­s, sociales et environnem­entales concocté par le gouverneme­nt Trudeau? Aucun détail précis n’a filtré, mais le départ du ministre des Finances Bill Morneau cet été laisse croire à de nombreux observateu­rs que le premier ministre a voulu se donner les coudées franches pour dépenser tant qu’il le souhaite. On peut donc s’attendre à des mesures qui vont coûter cher, et c’est là le premier aspect politiquem­ent périlleux pour Justin Trudeau.

Oui, le Canada était en excellente posture économique avant la crise, et les taux d’intérêt au plancher lui permettent d’emprunter pratiqueme­nt sans frais pour l’instant. Oui, le gouverneme­nt Trudeau doit oser. Même le très capitalist­e magazine The Economist reconnaît que les gouverneme­nts doivent être massivemen­t plus interventi­onnistes pour réparer les dégâts de la pandémie, réduire les inégalités sociales grandissan­tes et mieux nous préparer aux prochains chocs, qui viendront notamment du réchauffem­ent climatique.

Toutefois, si l’on veut éviter que de nouvelles dépenses pharaoniqu­es ne nous mènent droit à une crise des finances publiques, il faut que le plan de relance parvienne à faire croître l’économie au moins aussi rapidement que l’endettemen­t public. Sinon, les seules choses durables dont hériteront les prochaines génération­s seront les hausses d’impôts et les cures d’austérité.

Il faut donc espérer que Justin Trudeau résiste à la tentation de voir trop grand. Il doit trouver le bon dosage entre le soutien direct aux secteurs durement touchés par la pandémie, comme le transport aérien, la restaurati­on et la culture, et les investisse­ments pour accroître la capacité des travailleu­rs et des entreprise­s à créer de la richesse.

Et pour être véritablem­ent vert et durable, le plan doit soutenir la croissance de l’économie tout en provoquant une baisse rapide et marquée des émissions de gaz à effet de serre. C’est d’ailleurs la réalisatio­n de ce deuxième aspect du plan de relance qui s’annonce la plus ardue.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2015, Justin Trudeau a été incapable de concilier de façon convaincan­te développem­ent économique et développem­ent durable. À sa décharge, c’est un sacré défi quand on dirige le quatrième producteur de pétrole au monde. Une taxe sur le carbone par ici, un nouveau pipeline par là : belle recette pour décevoir à droite comme à gauche.

L’autre champ de mines, ce sont les nécessaire­s investisse­ments massifs dans nos systèmes d’éducation et de santé, dont la gestion dépend des provinces. Justin Trudeau saura-t-il leur donner les moyens de relever le défi tout en résistant à la tentation de leur marcher sur les pieds ? Si l’on peut se passer d’une chose en ce moment, c’est bien d’une flambée de chicanes fédérales-provincial­es.

La nouvelle ministre des Finances, Chrystia Freeland, a la réputation d’être la femme des missions impossible­s. Elle a renégocié l’accord de libre-échange avec l’administra­tion Trump et calmé la révolte de l’Ouest en gagnant la confiance du premier ministre albertain, Jason Kenney. Espérons qu’elle sera dans une forme olympique cet automne pour aider Justin Trudeau à faire de son plan de relance une réussite dont nous avons grand besoin.

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