L’actualité

Pas sorti du bois !

- Politique | par Chantal Hébert

La donne a changé depuis qu’Andrew Scheer a mené le Parti conservate­ur en campagne électorale l’automne dernier, et pas seulement parce que la pandémie a bouleversé l’ordre du jour politique.

Au moment où Erin O’Toole s’installe aux commandes de l’opposition officielle à Ottawa, force est de constater que le chemin qui pourrait mener le Parti conservate­ur au pouvoir aux prochaines élections est devenu plus sinueux et plus étroit au fil du règne de son prédécesse­ur.

C’est particuliè­rement le cas au Québec, où il faudra davantage qu’un changement de chef pour remettre le parti en valeur.

Au lendemain de la victoire d’Erin O’Toole, le député ontarien Pierre Poilievre évoquait la possibilit­é d’une vague bleue québécoise au prochain scrutin. M. Poilievre a beau ne pas en être à une exagératio­n près, on nage ici dans un certain délire.

Erin O’Toole a bel et bien terminé la course au leadership en tête du peloton au Québec, mais davantage que n’importe où ailleurs au Canada, la course s’y est déroulée en circuit fermé, en marge des grands courants politiques de la province.

Au total, à peine plus de 7 000 militants québécois (sur plus de 170 000 à l’échelle canadienne) ont participé au vote. C’est 21 % de moins que lors de la course à la succession de Stephen Harper en 2017.

Entre les deux, il y a eu le retour en force du Bloc québécois au scrutin de l’an dernier. Ce retour compromet sérieuseme­nt les ambitions québécoise­s du PCC. Tous les sondages concordent sur un fait: au Québec, la lutte fédérale se déroule actuelleme­nt entre libéraux et bloquistes. Conservate­urs et néo-démocrates ne sont pas vraiment dans la course.

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À défaut de pouvoir compter sur des gains importants au Québec, le Parti conservate­ur a plus que jamais besoin de s’imposer en Ontario. Mais là aussi, la côte à remonter pourrait être plus à pic que l’an dernier.

Moins de 24 heures après la victoire d’Erin O’Toole, le premier ministre Doug Ford laissait savoir qu’il ne ferait pas campagne à ses côtés.

Il y a un an, M. Ford était persona non grata pour l’équipe d’Andrew Scheer,

qui craignait que son impopulari­té déteigne sur ses cousins fédéraux.

Mais au fil de la pandémie, la cote du premier ministre ontarien a grimpé, une améliorati­on que le principal intéressé attribue notamment à sa bonne entente avec son homologue fédéral et surtout avec la nouvelle ministre des Finances, Chrystia Freeland. Cette amitié politique improbable a changé le ton des relations entre les deux capitales.

Le dernier scrutin fédéral a montré que Doug Ford et Justin Trudeau partagent en partie la même clientèle électorale. Les Ontariens qui votent bleu à Queen’s Park et rouge à Ottawa voient d’un bon oeil la collaborat­ion entre les deux paliers de gouverneme­nt.

Dans les Prairies, l’apparition d’un parti voué à la séparation de la région de la fédération canadienne, le parti Wexit Canada, fait craindre à certains un retour à l’époque où le Parti réformiste avait rogné les ailes des progressis­tes-conservate­urs d’un bout à l’autre de l’Ouest canadien.

Comme le Parti conservate­ur actuel, les bleus de Brian Mulroney étaient convaincus qu’ils avaient des votes à revendre dans la région… jusqu’à ce qu’ils s’y fassent rayer de la carte après 1993.

Dans ces circonstan­ces, on voit mal comment Erin O’Toole pourrait lâcher du lest sur la question des oléoducs sans risquer de perdre une partie de sa base militante.

Ce n’est pas le seul sujet qui va forcer le nouveau chef à marcher sur des oeufs. Quoi qu’en dise M. O’Toole, qui ne cesse de répéter haut et fort qu’il est un partisan du droit à l’avortement, l’idée qu’un tiers des membres conservate­urs qui ont participé à l’élection du nouveau chef se revendique­nt de la droite religieuse a frappé les esprits.

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Quand le Bloc est fort au Québec, le Parti conservate­ur a tendance à y être faible. La règle inverse s’applique à l’échelle canadienne en ce qui a trait au rapport de force entre néodémocra­tes et conservate­urs.

Dans le passé, le PCC a généraleme­nt connu ses meilleurs résultats à la faveur d’une bonne performanc­e du NPD aux dépens des libéraux. Si la tendance se maintient, le parti de Jagmeet Singh ne sera pas à la hauteur des besoins d’Erin O’Toole.

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