La Liberté

Augustine Abraham s’éteint

Longtemps porteuse du flambeau métis, la petite-nièce de Louis Riel,Augustine Abraham,est décédée à l’âge de 96 ans.

- Daniel BAHUAUD redaction@la-liberte.mb.ca

Petite-nièce de Louis Riel, ancienne présidente de l’Union nationale métisse Saint-Joseph du Manitoba (UNMSJM), Augustine Abraham s’est éteint le 6 février dernier, à l’âge de 96 ans.

« Augustine Abraham était une femme engagée, dotée d’un grand esprit communauta­ire, déclare la présidente de l’UNMSJM, Paulette Duguay.En plus de m’avoir précédée, de 1990 à 1992, à la présidence de l’UNMSJM,elle était très active dans sa paroisse, à Île-des-Chênes et au sein de la Ligue féminine catholique. Elle était très capable, et savait comment bien organiser des réunions ou des évènements communauta­ires. Mais avant tout, Augustine Abraham, qui était en l’occurrence ma tante, était une Métisse très fière de ses racines, et de son lien familial avec Louis Riel,père du Manitoba. »

L’historienn­e Jacqueline Blay est du même avis. « Ce qu’on perd avec le décès d’Augustine Abraham, c’est quelqu’un qui a tenu le flambeau métis alors que ce n’était pas particuliè­rement cool de le faire, avance-t-elle. Bien longtemps avant que les grands rassemblem­ents à la tombe de Riel soient devenus populaires, Augustine Abraham visitait la tombe de son grand-oncle. Elle a par ailleurs toujours affirmé que Louis Riel avait été pendu à tort, qu’il n’avait rien fait de mal. Elle n’a jamais fléchi dans sa reconnaiss­ance de l’homme et de sa vision pour l’Ouest. En somme, elle n’a jamais eu honte de son héritage métis. Au contraire, pour elle, c’était un honneur. Au fil des années, l’opinion publique l’a rattrapée. »

Le président de la Société historique de Saint-Boniface (SHSB), Michel Lagacé, conserve lui aussi de bons souvenirs de cette « grande dame métisse ».

« Augustine Abraham a longtemps été la doyenne de la communauté métisse, rôle qu’elle assumait avec beaucoup de joie et d’élan, rappelle-t-il. Elle était un lien important entre la SHSB et la communauté métisse. Elle racontait souvent des épisodes de l’histoire des Métis et de la famille Riel, en parlant simplement et chaleureus­ement. Elle a gardé la tradition de fierté métisse, transmise par son père, Auguste Vermette, à une époque où il n’était pas favorable de s’afficher. Elle était courageuse en ce sens, mais en même temps, elle ne s’imposait pas. »

L’arrière-petit-neveu de Louis Riel, Joseph Riel, abonde dans le même sens. « Augustine Abraham était une petite cousine, puisque elle était descendant­e d’Eulalie Riel, soeur de Louis Riel, explique-t-il. Ma famille est de la lignée de Joseph Riel, frère de Louis. Malgré ça, on ne s’est pas vraiment connus avant 1985, année où elle a fait partie de nombreuses activités entourant le centième anniversai­re de la mort de Louis Riel. Après quoi, nous avons oeuvré dans la réalisatio­n de toutes sortes de projets mettant en valeur notre héritage métis. Nous avons été, entre autres, membres de la distributi­on de la pièce Au temps de la prairie, signée par Marcien Ferland, où j’ai campé mon ancêtre, Joseph Riel.

« J’ai beaucoup appris d’Augustine Abraham, poursuit-il. Jeune, on me lançait souvent que Louis Riel était un traitre. Grâce à ses connaissan­ces approfondi­es de l’histoire, et ses conviction­s, elle m’a montré que ce n’était pas du tout le cas. C’est elle qui a suscité mon intérêt pour l’histoire métisse, et mon désir de mieux comprendre l’histoire de ma famille, qu’elle connaissai­t à fond. »

La cinéaste métisse Janelle Wookey affirme, elle aussi, avoir été inspirée par Augustine Abraham. « J’ai eu le privilège de l’interviewe­r à plusieurs reprises, indique-t-elle, notamment pour le documentai­re que j’ai réalisé avec mon frère Jérémie, La légende de la Cloche – un peuple et son symbole. (1) Lorsqu’elle nous parlait de la cloche de Batoche, on ressentait sa grande appréciati­on pour notre patrimoine et pour les grands symboles de notre culture. En fait, Augustine Abraham était elle-même un symbole, surtout pour nous, les jeunes. Pour moi, elle représente la résilience des Métis. En plus d’être un lien important avec notre passé, elle était très courageuse. C’est tout à fait approprié que ses funéraille­s ont eu lieu le 16 février, lors de la Journée Louis Riel. On dirait presque que c’était voulu! »

(1) Au moment d’écrire ces lignes, un visionneme­nt au grand écran de La légende de la Cloche – un peuple et son symbole était provisoire­ment prévu pour le 18 mars à 19 h 30, au Centre culturel franco-manitobain. La télédiffus­ion du documentai­re aura lieu le 28 mars 18 h 30, à l’antenne de Radio-Canada.

 ?? Photo : Gracieuset­é Jérémie Wookey ?? Augustine Abraham, dans une image tirée du documentai­re La légende de la Cloche – un peuple et son symbole, réalisée par Janelle et Jérémie Wookey.
Photo : Gracieuset­é Jérémie Wookey Augustine Abraham, dans une image tirée du documentai­re La légende de la Cloche – un peuple et son symbole, réalisée par Janelle et Jérémie Wookey.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada