Yvon Godin laissera un grand vide
Yvon Godin a le goût de changer d’air.Après 18 ans sur la colline parlementaire où il s’est démarqué par sa défense des droits linguistiques de la francophonie canadienne, il tire sa révérence.
Ce n’est pas une question de santé, ni de conflit interne avec le parti, ni de baisse de popularité, mais une question de vouloir passer à autre chose. Le porte-parole de l’Opposition en matière de langues officielles, Yvon Godin se retirera de la colline parlementaire après 18 ans de services.
« Après 18 ans en politique, j’étais rendu là », a-t-il indiqué lors d’une entrevue.
Le député néo-brunswickois d’Acadie-Bathurst a toujours eu la cause des francophones et des Acadiens à coeur et il ne se gênait pas pour le dire. Au fil des ans, il a multiplié les interventions, les discours enflammés et les pétitions. La bataille pour adoucir la réforme de l’assurance-emploi a également été un combat de tous les instants.
« Ça prenait quelqu’un qui représentait les travailleurs saisonniers, fait valoir l’exsyndicaliste, quelqu’un pour expliquer la réalité des industries saisonnières comme la pêche et le travail forestier. C’était cruel la façon qu’on traitait les travailleurs saisonniers. »
Présent sur toutes les tribunes avec la fougue qu’on lui connaît, il réussissait en 1997 à déloger le ministre libéral de l’époque, Doug Young, père de la réforme de l’assurance-emploi. Le phénomène Yvon Godin était né. Il sera réélu en 2000, 2004, 2006, 2008 et 2011. Il récoltera un score de près de 70 % des suffrages.
Il fait aussi des vagues en insistant sur la nécessité d’avoir des juges bilingues à la Cour suprême, qui pourraient fonctionner en français sans l’aide d’un interprète. Il a piloté un projet de loi à cet effet à la Chambre des communes.Trois fois. « La raison finira par triompher », croit-il.
L’une des batailles dont Yvon Godin est le plus fier, c’est le maintien du Centre de recherche et de sauvetage maritime de Québec qui répondait à des appels de détresse en mer en français. Le centre était menacé de fermeture. Yvon Godin s’est plaint auprès du Commissaire aux Langues officielles et il a gagné sa cause. Le gouvernement de Stephen Harper a dû faire marche arrière. Il a également réussi à faire fléchir Ottawa qui a finalement débloqué des fonds pour maintenir le tronçon ferroviaire Miramichi-Bathurst dont le démantèlement menaçait le trajet Halifax-Québec.
Son départ laisse un vide qui sera difficile à combler au sein du Comité des Langues officielles. Même un de ses adversaires, le député conservateur Jacques Gourde, en est convaincu. « 18 ans, je ne sais pas si c’est un record, mais il aimait les langues officielles », faitil remarquer.
Il rappelle avec un peu d’humour qu’il avait dû intervenir à quelques reprises pour dire au député acadien, le visage écarlate, de se calmer, tellement il se laissait emporter par les questions de langues officielles. « Prends le temps de respirer », coupait Jacques Gourde. Yvon Godin s’arrêtait un peu et « repartait », dit-il, en riant.
En effet, Yvon Godin maîtrisait l’art du clip pour la télé ou la radio et il ne ratait jamais une occasion de faire valoir ses arguments dans les médias.
« C’est un spécialiste pour attirer l’attention, reprend Jacques Gourde. Il aime faire son show. » Au point où le vibrant personnage a été immortalisé dans un sketch de l’humoriste Robert Gauvin dans le cadre de l’émission Méchante soirée de Radio-Canada.Quand on demande à l’humoriste qui personnifie Yvon Godin quels sont ses projets d’avenir après une vie remplie en politique, il répond : « Je vais aller chez nous et je vais embarquer sur le chômage ».
Il y aura d’autres sketchs du coloré personnage à la suite de la demande populaire.
Quant à Yvon Godin, il n’a pas fini de faire parler de lui. « Je n’ai pas signé mon certificat de décès », termine-t-il, avec une pointe d’humour.