Pétrole à la baisse, exportations à la hausse
Si le faible prix du pétrole fait fléchir l’économie albertaine, les éleveurs et les agriculteurs, exportateurs de viande et de céréales, sont avantagés par la faible valeur du dollar canadien.
En 2008, le prix mondial d’un baril de pétrole a atteint le chiffre record de 145 $ américains. En 2014, en raison d’une hausse de production du pétrole aux États-Unis, le prix s’est mis à chuter. À l’heure actuelle, un baril se chiffre à 46 $ US. L’impact a été ressenti au Canada, notamment en Alberta. Or tout n’est pas perdu, en raison de la faible valeur du dollar canadien, qui contribue à compenser les pertes.
C’est, du moins, ce qu’affirme l’économiste Raymond Clément, qui se dit « pas bien pessimiste ». « À première vue, la conjoncture économique semble être grave, admet-il. L’économie canadienne a toujours dépendu de son pouvoir de vendre des matières premières et des denrées alimentaires. Les pays exportateurs du pétrole, comme l’Arabie Saoudite et le Canada ont donc été affectés par la baisse du prix du pétrole.
« En effet, au Canada, le secteur pétrolier représente 6,2 % du produit intérieur brut (PIB), rappelle-t-il. En Alberta, il représente 24 %. Quand le prix du pétrole est moins de 60 $ le baril, le tiers de la production pétrolière canadienne perd sa rentabilité, en raison des coûts très élevés de l’extraction du pétrole des sables bitumineux du nord de la province. L’Alberta n’est pourtant pas la seule province à subir les coups. L’industrie du transport perd des revenus, et les manufacturiers connaissent des pertes en termes de production. »
Résultat : un ralentissement économique d’environ 0,5 %, que le gouvernement canadien éprouvera de la difficulté à contrecarrer rapidement, parce qu’il aura perdu quelque cinq milliards $ en impôts.
« La bonne nouvelle, c’est que la faible valeur du dollar canadien, qui vaut présentement quelque 75 cents US, aide les exportateurs, surtout alimentaires, souligne Raymond Clément. Les agriculteurs, les éleveurs et autres exportateurs de viandes sont donc avantagés, malgré les pertes essuyées par le secteur pétrolier. »
Copropriétaire de l’entreprise de transformation et d’exportation de viande porcine HyLife, située à La Broquerie et à Neepawa, Claude Vielfaure est du même avis.
« La situation actuelle est tout à notre avantage, souligne-t-il. D’emblée, à cause de la faible valeur de notre dollar, nous sommes beaucoup plus compétitifs que les éleveurs américains. Nous pouvons donc vendre beaucoup plus de porc. D’autre part, la majorité de nos acheteurs étrangers nous paient en dollars américains. Lorsque nous reconvertissons ces sommes perçues, nos revenus augmentent encore plus. »
Le président de l’association manitobaine Keystone Agricultural Producers, Dan Mazier voit la situation économique du même oeil. « En ce moment, le prix du blé est automatiquement plus compétitif, lance-t-il. Un Américain offre son blé à 7 $ US du minot, mais le Canadien peut le faire à 5,50 $ US. C’est un prix imbattable. Le scénario se répète dans le cas du canola, du soja et d’autres cultures. Nous vendons moins cher, mais nous récupérons nos revenus grâce à la quantité vendue. »
Par ailleurs Dan Mazier estime que le faible prix du pétrole contribue favorablement aux revenus des agriculteurs. « Comme tous les résidents de la campagne, les fermiers bénéficient de la chute du prix de l’essence, fait-il remarquer. Les agriculteurs suivent également de près le prix du diésel, qui a diminué, mais à un rythme beaucoup plus lent. Dans le temps que le pétrole a baissé de 100 $ à 46 $ du baril, le coût d’un litre de diésel est passé de 1,30 $ à 0,99 cents. Puisque les 90 % des dépenses en essence chez les fermiers sont pour les machines aratoires qui roulent au diésel, nous espérons voir baisser davantage le prix. »
Raymond Clément rappelle cependant que « tôt ou tard, le prix du pétrole va augmenter ».
« Toutes proportions gardées, nous consommons moins de pétrole qu’il y a 20 ans, note-t-il. Mais le pétrole est une ressource limitée. Il n’est pas inépuisable. Les manufactures ont beau consommer moins de pétrole, les voitures d’aujourd’hui ont beau être moins énergivores, à long terme, les prix remonteront. C’est inévitable. »