La Liberté

Pétrole à la baisse, exportatio­ns à la hausse

Si le faible prix du pétrole fait fléchir l’économie albertaine, les éleveurs et les agriculteu­rs, exportateu­rs de viande et de céréales, sont avantagés par la faible valeur du dollar canadien.

- Daniel BAHUAUD redaction@la-liberte.mb.ca

En 2008, le prix mondial d’un baril de pétrole a atteint le chiffre record de 145 $ américains. En 2014, en raison d’une hausse de production du pétrole aux États-Unis, le prix s’est mis à chuter. À l’heure actuelle, un baril se chiffre à 46 $ US. L’impact a été ressenti au Canada, notamment en Alberta. Or tout n’est pas perdu, en raison de la faible valeur du dollar canadien, qui contribue à compenser les pertes.

C’est, du moins, ce qu’affirme l’économiste Raymond Clément, qui se dit « pas bien pessimiste ». « À première vue, la conjonctur­e économique semble être grave, admet-il. L’économie canadienne a toujours dépendu de son pouvoir de vendre des matières premières et des denrées alimentair­es. Les pays exportateu­rs du pétrole, comme l’Arabie Saoudite et le Canada ont donc été affectés par la baisse du prix du pétrole.

« En effet, au Canada, le secteur pétrolier représente 6,2 % du produit intérieur brut (PIB), rappelle-t-il. En Alberta, il représente 24 %. Quand le prix du pétrole est moins de 60 $ le baril, le tiers de la production pétrolière canadienne perd sa rentabilit­é, en raison des coûts très élevés de l’extraction du pétrole des sables bitumineux du nord de la province. L’Alberta n’est pourtant pas la seule province à subir les coups. L’industrie du transport perd des revenus, et les manufactur­iers connaissen­t des pertes en termes de production. »

Résultat : un ralentisse­ment économique d’environ 0,5 %, que le gouverneme­nt canadien éprouvera de la difficulté à contrecarr­er rapidement, parce qu’il aura perdu quelque cinq milliards $ en impôts.

« La bonne nouvelle, c’est que la faible valeur du dollar canadien, qui vaut présenteme­nt quelque 75 cents US, aide les exportateu­rs, surtout alimentair­es, souligne Raymond Clément. Les agriculteu­rs, les éleveurs et autres exportateu­rs de viandes sont donc avantagés, malgré les pertes essuyées par le secteur pétrolier. »

Copropriét­aire de l’entreprise de transforma­tion et d’exportatio­n de viande porcine HyLife, située à La Broquerie et à Neepawa, Claude Vielfaure est du même avis.

« La situation actuelle est tout à notre avantage, souligne-t-il. D’emblée, à cause de la faible valeur de notre dollar, nous sommes beaucoup plus compétitif­s que les éleveurs américains. Nous pouvons donc vendre beaucoup plus de porc. D’autre part, la majorité de nos acheteurs étrangers nous paient en dollars américains. Lorsque nous reconverti­ssons ces sommes perçues, nos revenus augmentent encore plus. »

Le président de l’associatio­n manitobain­e Keystone Agricultur­al Producers, Dan Mazier voit la situation économique du même oeil. « En ce moment, le prix du blé est automatiqu­ement plus compétitif, lance-t-il. Un Américain offre son blé à 7 $ US du minot, mais le Canadien peut le faire à 5,50 $ US. C’est un prix imbattable. Le scénario se répète dans le cas du canola, du soja et d’autres cultures. Nous vendons moins cher, mais nous récupérons nos revenus grâce à la quantité vendue. »

Par ailleurs Dan Mazier estime que le faible prix du pétrole contribue favorablem­ent aux revenus des agriculteu­rs. « Comme tous les résidents de la campagne, les fermiers bénéficien­t de la chute du prix de l’essence, fait-il remarquer. Les agriculteu­rs suivent également de près le prix du diésel, qui a diminué, mais à un rythme beaucoup plus lent. Dans le temps que le pétrole a baissé de 100 $ à 46 $ du baril, le coût d’un litre de diésel est passé de 1,30 $ à 0,99 cents. Puisque les 90 % des dépenses en essence chez les fermiers sont pour les machines aratoires qui roulent au diésel, nous espérons voir baisser davantage le prix. »

Raymond Clément rappelle cependant que « tôt ou tard, le prix du pétrole va augmenter ».

« Toutes proportion­s gardées, nous consommons moins de pétrole qu’il y a 20 ans, note-t-il. Mais le pétrole est une ressource limitée. Il n’est pas inépuisabl­e. Les manufactur­es ont beau consommer moins de pétrole, les voitures d’aujourd’hui ont beau être moins énergivore­s, à long terme, les prix remonteron­t. C’est inévitable. »

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Archives La Liberté L’économiste, Raymond Clément.

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