« Un télégramme chargé de ramifications »
Des télégrammes échangés entre Ottawa et les troupes de Middleton lors de la Résistance du Nord-Ouest en 1885, désormais présentés en ligne, indiquent subtilement combien le gouvernement de John A. Macdonald souhaitait la pendaison de Louis Riel. Des documents toujours pertinents pour l’Union nationale métisse SaintJoseph du Manitoba, qui préconise l’exonération de Riel.
En 1885, John M. Egan, le directeur général de la division de l’Ouest du Canadien pacifique, s’est mis à collectionner des télégrammes échangés entre la Saskatchewan et Ottawa lors de la Résistance du Nord-Ouest.
Près de 1 000 télégrammes qui étaient passés par son bureau à Winnipeg ont été recueillis par John M. Egan dans un registre, qui a été conservé au fil des années par ses descendants américains et légués aux Archives provinciales de la Saskatchewan en 2016.
Parmi les communications, on retrouve des messages entre le général Frederick Middleton, chargé de mater la résistance métisse, et le Premier ministre du Canada John A. Macdonald. On y retrouve également des télégrammes entre RenéAdolphe Caron, le ministre de la Milice et de la Défense et Middleton, ainsi que ses officiers. Les documents sont désormais exposés en ligne, en version numérisée, sur le site des Archives provinciales de la Saskatchewan. (1)
Pour Curt Campbell, le directeur de l’unité de gestion de la préservation aux Archives, il s’agit d’une « mine de renseignements historiques petits et grands ».
« Les télégrammes offrent une perspective unique sur la Résistance du Nord-Ouest, particulièrement du point de vue du général Middleton et du gouvernement Macdonald. On apprend beaucoup sur les difficultés de diriger une opération militaire en 1885, du ravitaillement aux mouvements des troupes. Mais on voit également que John A. Macdonald cherchait à tout prix à s’assurer que les Autochtones ne s’insurgeraient pas avec les Métis contre Ottawa. Des télégrammes du Premier ministre aux chefs Pasqua et Muskowptena rappellent les promesses faites par le Parlement lors de la signature de traités.
« Avant tout, on ressent jusqu’à quel point le sort de Louis Riel était au coeur des discussions. Le 12 mai, Middleton écrit à Caron en déclarant Sorry to say have not got Riel. Le 26 juin, il écrit à Caron que the object of the campaign has been attained – Riel’s party defeated and broken up, himself a prisoner. »
L’historien manitobain Philippe Mailhot abonde dans le même sens. « Dans son télégramme du 21 mai 1885, le ministre Caron écrit aux officiers de Middleton stationnés près du poste de télégraphe de Cook’s Crossing : Send Riel and other prisoners to Regina instead of Winnipeg. If escort and prisoners have left Crossing repeat this order without delay.
« Ce télégramme est très important. Il met en évidence l’intention du Macdonald de faire en sorte que Riel soit jugé coupable. Si son procès avait eu lieu à Winnipeg, comme il aurait dû l’être, Riel aurait eu droit à 12 jurés, dont la moitié devait être des francophones. Son procès aurait été bilingue et il aurait comparu devant un vrai juge, armée d’une excellente connaissance du droit.
« À Regina, c’était tout le contraire. Hugh Richardson, un magistrat moins expérimenté et pas encore juge, dirigeait le procès, qui était en anglais. Les services de traduction étaient piètres et le jury était composé de six anglophones. Le résultat était prévisible. Et souhaité.
« Le télégramme du ministre Caron n’est pas une preuve irréfutable des intentions de John A. Macdonald. Mais il démontre clairement que garder Riel dans l’Ouest était une grande priorité. »
En mai 2016, l’Union nationale métisse Saint-Joseph du Manitoba a demandé au gouvernement fédéral d’examiner la possibilité d’exonérer Louis Riel.
Pour Paulette Duguay, la présidente de l’organisme, le télégramme de René-Adolphe Caron « pourrait certainement s’ajouter à la documentation déjà soumise au Fédéral ».
« C’est un document qui vient confirmer les suspicions transmises par l’histoire orale des Métis depuis 1885. On comprend que Macdonald voulait la peau de Riel et qu’il a utilisé tous les moyens, y compris des instructions claires transmises par télégraphe. Le seul élément qui manque, c’est que le ministre Caron ne partage pas la pensée derrière son message. Il faut lire entre les lignes. Mais il s’adressait à des militaires. Il donnait des ordres et ne cherchait pas à s’expliquer. N’empêche que Macdonald savait ce qu’il faisait. Et ce qu’il voulait. »
(1) On peut voir l’exposition au http://www.saskarchives.com/collect ions/exhibits/cpr-telegraph-ledger