TROIS VOIX À LA 3
Michel Lagacé Quand une ministre trébuche, faut-il prévoir un remaniement?
Lorsque, dans la controverse générale, Madeleine Meilleur a retiré sa candidature au poste de commissaire aux langues officielles, on aurait pensé que la tragi-comédie avait pris fin. La ministre du patrimoine canadien, Mélanie Joly, et le gouvernement pouvaient reprendre le dossier et proposer un candidat ou une candidate acceptable à l’ensemble des parlementaires. Or la saga continue. Le 17 juin, le mandat de Ghislaine Saikaley, nommée commissaire par intérim six mois auparavant, prenait fin. Du même coup, le commissariat tombait dans les limbes juridiques parce que seul le commissaire peut prendre certaines décisions et signer certains documents. Enfin, mercredi dernier, le 21 juin, le gouverneur-général a mis fin à ce vide juridique en prolongeant la nomination de Mme Saikaley pour six mois. Il a même antidaté la prolongation au 19 juin. Après plus d’un an et demi au pouvoir et des consultations sans fin auxquelles la ministre s’adonne, cette comédie d’erreurs met en doute la compétence du gouvernement. Normalement, lorsqu’un ministre vacille, le premier ministre et son bureau passent en revue sa performance ainsi que les aptitudes de son sous-ministre et de ses conseillers politiques. Dans le cas du commissaire, le premier ministre a une responsabilité particulière parce que le titulaire répond à l’ensemble du parlement et les partis d’opposition doivent être consultés. Il sera sans doute question d’un remaniement du conseil des ministres cet automne. Justin Trudeau voudra former l’équipe qui dirigera le gouvernement jusqu’aux élections de 2019. Lors du remaniement, on verra jusqu’à quel point le premier ministre a pris la vraie mesure des problèmes qui assaillent son gouvernement.
Raymond Hébert CCSM : une occasion de réforme ratée
Mettons de côté les conséquences politiques et administratives de la décision prise par la Corporation catholique de la santé du Manitoba de nommer 10 nouveaux membres au conseil d’administration de l’Hôpital de Saint-Boniface, suite à un vote du CA sur l’aide médicale à mourir qui lui a déplu. C’est le manque de compassion envers les patients à l’article de la mort qui frappe. Mais lorsqu’il s’agit de l’Église catholique, il n’y a rien de nouveau. Au fait, l’Église a toujours été bien plus à l’aise à développer ses dogmes qu’à se préoccuper de ses fidèles dans leur quotidien vécu. Parfois, par contre, les fidèles se révoltent et modifient les positions de l’Église, sinon dans ses dogmes au moins dans ses pratiques. On se souviendra notamment des débats déchirants autour de la pilule contraceptive des années 1960, débats qui se sont propagés dans les plus hautes sphères du Vatican. Pour la première fois à l’époque contemporaine, les évêques, surtout des pays développés, ont affirmé le principe de la conscience personnelle des fidèles sur cette question. Et en fin de compte des millions d’entre eux ont choisi d’utiliser la Pilule, alors que des millions d’autres ont abandonné l’Église complètement. Il se peut que, dans le dossier de l’aide médicale à mourir, il y ait une confluence de nouvelles technologies et d’activisme de la part de laïcs progressifs. Chose certaine, les débats sur cette question ne font que commencer, et la conscience personnelle, tant chez les fidèles que chez les fournisseurs de soins de santé, en sera un élément incontournable.
Raymond Clément Bientôt le dirigeable
Après une inondation catastrophique qui a endommagé les ponceaux et la chaussée de la ligne ferroviaire qui mène vers Churchill, Omnitrax, le propriétaire du chemin de fer, s’est vu obligé le 9 juin de suspendre son service. Pour les 900 habitants de Churchill, l’annonce s’ajoute à d’autres mauvaises nouvelles, telle que la fermeture du port en août 2016. Surtout qu’Omnitrax prédit que la ligne ferroviaire ne sera pas ouverte avant l’hiver prochain ou encore le printemps 2018. Comment donc approvisionner Churchill et transporter, en plus des aliments, le gaz propane pour chauffer les maisons? Des navires en provenance de Montréal, peutêtre. Mais on sait que l’hiver peut arriver en septembre sur la baie d’Hudson. Même l’hiver devient problématique, à cause du réchauffement climatique. Pour beaucoup de communautés nordiques, les chemins d’hiver sont essentiels. Manitoba Hydro les utilise entre autres pour approvisionner ses centrales thermiques à Brochet et Shamatawa. Mais plus le climat changera, plus les chemins d’hiver seront de courte durée. Pourtant le Manitoba dépense environ 10 millions $ par année pour créer 2 200 kilomètres de chemins d’hiver. Au dégel, tout est perdu. Le temps est venu de se pencher sur une vieille technologie qui pourrait donner une solution moins couteuse : le dirigeable. C’est l’avis de Barry Prentice, professeur de gestion de la chaîne logistique à l’Université du Manitoba, qui préconise l’idée depuis déjà 17 ans. Si on investissait l’argent dépensé sur les chemins d’hiver, il estime qu’en 10 ans, ces véhicules non polluants pourraient livrer des cargaisons importantes de produits vers le Nord. Et ce à l’année longue.