DES POUPONS AU SERVICE DES PATIENTS
Initiée il y a deux ans, un peu par hasard, à Actionmarguerite, la thérapie-câlins se révèle particulièrement efficace auprès des résidents atteints de démence ou d’Alzheimer. « C’était une résidente adorable. La grand-mère idéale. Mais dans l’après-midi, elle devenait agressive, et répétait qu’elle devait rentrer pour s’occuper de ses petits-enfants. Cela se répétait jour après jour. J’ai essayé d’explorer différentes approches thérapeutiques mais évidemment, en raison de sa démence, cela n’avait aucun effet. » C’était en août 2016. Stéphanie Rouet venait de prendre son poste en tant que travailleuse sociale à Actionmarguerite, et elle se sentait un peu impuissante à soulager les crises de cette grand-mère visiblement désespérée. « Et puis un jour, j’ai vu la photo d’une poupée. Je me suis dit : « Si elle pense devoir s’occuper d’un enfant, pourquoi ne pas lui confier une poupée? » J’en ai parlé à la famille, qui a bien voulu essayer. J’ai apporté un poupon à cette résidente, et le changement a été incroyable. Cette poupée, un simple objet transitionnel, lui a fait revivre des souvenirs heureux, et elle a retrouvé sa tranquillité d’esprit. » Sans le savoir, Stéphanie Rouet venait de s’essayer à la thérapie-câlins, ou doll therapy, pratiquée de façon empirique aux États-Unis depuis les années 1980. Une alternative à laquelle Susie Piad, thérapeute au service récréatif d’Actionmarguerite, s’intéressait elle aussi depuis un an. « En désespoir de cause », se souvient la thérapeute, qui cherchait une façon d’apporter un peu de réconfort aux nombreux résidents de sa structure atteints de démence ou d’Alzheimer à un stade avancé. « Je me suis aperçue que c’était particulièrement adapté pour ces résidents. Cela permet de créer un lien entre le résident et le poupon, de briser l’ennui des longues journées en réintroduisant une routine autour du poupon : l’heure de la sieste, l’heure du bain, l’heure du lange… Cela donne un but aux résidents. » À tous les résidents. Qu’il s’agisse de femmes, d’hommes, de personnes n’ayant jamais eu d’enfants, tous trouvent instinctivement les gestes protecteurs. Parfois, un animal en peluche est tout aussi efficace. « Il n’est pas rare d’entendre un résident dire : “Le bébé a froid”, ou “Le bébé a faim”. C’est leur manière d’exprimer ce qu’euxmêmes ressentent sans jamais le dire, et cela se révèle très utile pour le personnel soignant qui doit, pour que cela fonctionne, être très impliqué dans la thérapie et véritablement jouer le jeu », ajoute Susie Piad. Depuis deux ans qu’elle a lancé la thérapie-câlins, la thérapeute constate une importante amélioration dans le service. « Il n’y a pas véritablement d’étude quantifiée, mais le service est beaucoup plus calme, et on y utilise moins de psychotropes. Pour moi, il n’y a pas d’aspect négatif à la thérapie-câlins. » Mieux encore : fortes de leurs expériences respectives à Actionmarguerite, Stéphanie Rouet et Susie Piad offrent désormais des sessions d’information sur cette thérapie auprès d’autres structures, comme récemment pour l’équipe du Geriatric Mental Health de Winnipeg. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la simplicité de cette initiative thérapeutique a également rendu le sourire à des professionnels bien trop souvent désemparés face à la détresse de leurs patients.