La Liberté

Robert Bockstael, serviteur de Saint-Boniface

- par Bernard Bocquel bbocquel@mymts.net

Robert Bockstael (15 février 1923 - 28 juin 2017), c’est l’histoire d’un fils d’immigrant belge à l’honnêteté et à la rigueur indiscutab­les qui a cultivé, sa longue vie durant, une double fidélité : à sa foi catholique et au service des gens de sa ville natale.

Il faut dire qu’il a de qui tenir. Son père, Théodore Bockstael a immigré au Canada en 1907 alors qu’il était déjà père de quatre enfants. Dès 1912, l’immigrant charpentie­r se met à son propre compte. Après la Seconde Guerre mondiale, il confie son entreprise à son fils Robert, l’aîné de quatre autres enfants issus de son mariage avec Marie Van Belleghem, la soeur du futur maire de Saint-Boniface, Joseph Van Belleghem, ardent défenseur de l’autonomie de la Ville Cathédrale.

De Théodore Bockstael, il faut encore savoir qu’il était un des piliers du Club belge, ce qui en faisait un leader de la colonie belge, à une époque où le flamand se portait très bien. À une époque aussi où SaintBonif­ace-Est était connu comme the dump, le dépotoir. Un rappel que James B. Wyndels, le spécialist­e des Belges au Manitoba, n’hésite jamais à faire. (1)

« On m’a beaucoup critiqué pour avoir souligné ce fait. C’est typique du caractère belge, très bien représenté par Robert Bockstael. On ne fait pas de vagues, on reste humble, on ne se vante pas et on travaille fort. Robert Bockstael ne manquait jamais des activités sociales qu’il jugeait importante­s. Il prenait soin de cultiver ses réseaux, qui étaient particuliè­rement étendus au sein du clergé de Saint-Boniface. »

Tous ces traits du caractère belge, qui comprend, en Belgique même où dominent les Wallons, un quasi-réflexe culturel d’apprendre le français pour intégrer l’establishm­ent, n’empêchent pas une ambition bien comprise, c’est-à-dire une volonté de service public. Robert Bockstael n’a pas trente ans lorsqu’il obtient son premier mandat électif : commissair­e d’écoles dans la Division scolaire de Saint-Boniface. Il le sera du début des années 1950 au début des années 1960, dont les cinq dernières à titre de président.

En 1962, à la mise sur pied du Conseil des aviseurs (l’ancêtre du Bureau des gouverneur­s) du Collège de Saint-Boniface, l’ancien élève (de 1933 à 1938) Robert Bockstael y siège, et jusqu’en 1971, en qualité de représenta­nt du diocèse de Saint-Boniface. Son travail de conseiller conscienci­eux en a fait un homme de confiance de l’évêque.

La vie publique va le tenter à nouveau en 1973, lorsque le conseiller du quartier Taché et maire adjoint de Winnipeg Paul Marion fait le saut en politique provincial­e. L’entrée du trilingue dans la course à la succession est tardive, preuve que des gens d’influence estiment que les deux candidats en lice sont indignes de représente­r Saint-Boniface à l’Hôtel de ville. Celui qu’un article dans La Liberté décrit comme « un homme pondéré au service de la communauté depuis longtemps » ne laisse aucune chance à ses adversaire­s.

Le patron de Bockstael Constructi­on sait se montrer entreprena­nt et devient dès 1975 président du Comité communauta­ire de SaintBonif­ace. En 1978, il préside le Comité exécutif de la ville de Winnipeg quand Pierre Elliott Trudeau nomme au Sénat le député fédéral de Saint-Boniface, Jos Guay. Une place de prestige est ouverte.

Robert Bockstael a l’appui de l’establishm­ent du Parti libéral à Ottawa et remporte facilement l’investitur­e contre Guy Savoie. Mais il perd les élections partielles, tenues en octobre 1978. Cette année-là, le gouverneme­nt libéral a perdu toutes les 15 élections partielles. Par contre, aux élections générales de mai 1979, Robert Bockstael enregistre une nette victoire, alors que les conservate­urs de Joe Clark remportent de justesse les élections. Aux élections générales de février 1980, qui marquent le retour des libéraux, Robert Bockstael enregistre une victoire écrasante. Mais malgré son enracineme­nt dans le comté, il subit en septembre 1984 la défaite lors du raz-de-marée des conservate­urs de Brian Mulroney. Une défaite très amère pour ce député assidu, car il lui manquait juste quelques mois pour recevoir une pension de député fédéral.

Pour Paul Marion, « Robert n’était pas le type pour la politique partisane. Il n’aimait pas déplaire à du monde. Mais surtout, il ne voulait faire de mal à personne. C’était la bonté même. Lui, il la vivait, sa religion! »

À ses funéraille­s en la Cathédrale de Saint-Boniface, bondée, le curé Marcel Carrière, en faisant un usage remarqué du français, a rendu à sa façon un hommage appuyé au défunt. En effet, le message posthume de Robert Bockstael en direction des unilingues était fort clair : à SaintBonif­ace, quand on se respecte, on respecte le français.

(1) James B. Wyndels est co-auteur de Les Belges au Manitoba ; auteur d’une biographie de Joseph G. Van Belleghem ; ainsi que de Firmin Wyndels : The Belgian Builder, aussi disponible en version française.

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