La Liberté

Deux éclairages sur Mgr Provencher

2018 marque le 200e anniversai­re de l’arrivée à la Rivière-Rouge de Joseph-Norbert Provencher, le père du diocèse de Saint-Boniface. Dans la société laïcisée de 2018, comment aborder les contributi­ons de cet homme d’Église?

- Daniel BAHUAUD redaction@la-liberte.mb.ca

La perspectiv­e de Gabor Csepregi, recteur de l’USB :

« Provencher a joué un rôle vraiment important »

Une institutio­n universita­ire doit s’inspirer de son passé, tout en étant de son temps. Cette année, l’Université de Saint-Boniface fête un 200e. Que fêtons nous au juste? Je ne crois pas qu’on puisse parler de la fondation du Collège de SaintBonif­ace. En 1818, Provencher s’est simplement mis à instruire des garçons pour les former pour l’Église.

En 2018, on peut cependant célébrer les débuts de l’éducation en français sur ce territoire qui allait devenir le Manitoba. On peut reconnaîtr­e l’enthousias­me, la passion, la ténacité et la débrouilla­rdise de Provencher, qui a travaillé d’arrache-pied pour établir les bases de l’éducation en français. Provencher a donc joué un rôle vraiment important. Dès les années 1830, sous son égide, l’enseigneme­nt en français devenait plus sérieux, plus organisé. Et en 1855, grâce à son successeur Mgr Taché, un premier Collège de SaintBonif­ace est construit. L’institutio­n s’incorpore en 1871 et en 1877, est elle co-partenaire dans la création de l’Université du Manitoba. Ensuite il y a les jésuites, qui arrivent en 1885. Ils ont enseigné pendant 85 ans. On sent encore leur présence, en sourdine. Ces hommes d’Église engagés respectaie­nt toutes les facettes de l’intelligen­ce humaine. Ils ont fondé une bibliothèq­ue. Ils ont insisté sur la rigueur, la capacité de débattre les idées, au point parfois de remettre aux étudiants des livres mis à l’Index par l’Église. En 2018, on peut célébrer cette ouverture d’esprit, et reconnaîtr­e qu’elle est le legs d’une époque plus croyante. Une époque qui remonte à Provencher.

La perspectiv­e d’Albert LeGatt, Archevêque de Saint-Boniface :

« Nous sommes tous héritiers de Provencher » Aux Manitobain­s de 2018 qui ne sont pas tous des gens d’Église, on peut certaineme­nt parler de Provencher l’éducateur.

Pour le premier évêque de Saint-Boniface, l’éducation était d’une importance capitale. Il voulait assurer l’avenir des Métis, des Canadiens français et des Autochtone­s.

Bien sûr, à sa manière. Provencher était un homme de foi. Et quand il est arrivé à la Colonie de la Rivière-Rouge, la foi, l’éducation et le français participai­ent d’une même réalité. Si en 2018 on fait un partage différent, on scinde ces trois valeurs, il faut se rappeler que leur unité a tenu pendant un bon 150 ans.

Les religieux, les religieuse­s et les laïcs de foi ont enseigné le français dans les écoles paroissial­es. Ces gens étaient animés par le dicton Qui perd sa langue, perd sa foi. Qui perd sa foi, perd sa langue. Cette vision faisait largement consensus. Elle n’était pas imposée sur des laïcs par une église cléricale. Au contraire, il a prévalu une étroite collaborat­ion entre religieux et croyants. Ensemble, ils ont créé les institutio­ns qui, laïcisées, perdurent. Comme la SFM, la Société historique de SaintBonif­ace, voire même La Liberté.

On peut affirmer, sans exagératio­n, que le désir d’éducation de Provencher a été et reste porté par les FrancoMani­tobains et même tous les Manitobain­s qui ont le français à coeur. Nous sommes tous héritiers de Provencher. Si une jeune d’origine philippine fréquente une école d’immersion et parle français, c’est un peu grâce à lui.

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Mgr Albert LeGatt, archevêque de Saint-Boniface.
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Gabor Csepregi, recteur de l’Université de Saint-Boniface.

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