Gabriel Dumont, un héros très moderne
Dans une lettre, Gabriel Dumont aurait rêvé d’un spectacle sur la vie des Métis. La réalité a rejoint son vieux rêve : une équipe de dix auteurs a revisité la vie du chef militaire de la Résistance du Nord-Ouest dans un spectacle bientôt présenté à Winnipeg (1). L’un des auteurs et acteurs de la pièce, Jean-Marc Dalpé, en livre quelques secrets.
Pour le dramaturge franco-ontarien, c’était d’abord une piqûre de rappel. Ramener à la mémoire des gens une histoire canadienne-française trop souvent méconnue dans l’Est. Tout a commencé il y a cinq ans, lorsque Jean-Marc Dalpé croise à Montréal la route d’un autre auteur et acteur, le Québécois Alexis Martin. « On a jasé sur l’histoire des Canadiens français hors Québec. On se disait que les Québécois oubliaient parfois leur lien avec ce qui se passait chez les francophones hors des frontières de la province. Et que ça méritait d’être revu. »
Les deux dramaturges approfondissent alors leurs recherches. Évoquent Louis Riel et Gabriel Dumont. Et découvrent que ce dernier a participé au Wild West Show de Buffalo Bill, après avoir fuit en 1886 la Saskatchewan pour les États-Unis. La formule était trouvée.
« On voulait s’inspirer de la forme de spectacle du Wild West Show, qui est une source de ce qui allait devenir le vaudeville et les spectacles de variétés, pour créer un spectacle moderne avec nos moyens et qui nous sommes. » Inspirés par les actions du chef métis entre 1884 et 1885, les deux amoureux des planches souhaitaient multiplier les perspectives dans le but d’impliquer les peuples acteurs de la Résistance du Nord-Ouest. Jean-Marc Dalpé explique la démarche :
« Ça ne pouvait pas prendre que nous, deux gobelins, pour écrire ce spectacle. On voulait un spectacle écrit, joué, produit par des descendants des quatre communautés impliquées dans les évènements – les Canadiens français, les Métis, les Premières Nations et les anglophones. »
Dix auteurs d’un océan à l’autre ont pris part à l’écriture des numéros qui composent le Wild West Show de Gabriel
Dumont. « Chacun a pu raconter un segment de son histoire à sa façon. À part moi et Alexis, il y a huit autres auteurs, tous de l’Ouest. Dont deux femmes métisses, Yvette Nolan et Paula-Jean Prudat. » Une pluralité des regards qui se retrouvent aussi chez les comédiens, parmi lesquels on retrouve les FrancoManitobains Katrine Deniset et Gabriel Gosselin, et dans les langues parlées. « Il y a des bouts en anglais, en mitchif et en cri. Mais on a fait en sorte que les gens puissent comprendre. » L’auteur franco-ontarien voit en Gabriel Dumont une figure « tellurique », dont les conflits intérieurs résonnent avec le présent. « On sent son attachement à la terre. Il est lié au territoire par son sang, sa famille, par la réalité des Premières Nations. Mais il est aussi un personnage qui cherche à composer avec la modernité : Comment mon peuple peut-il continuer à vivre, à se développer?
« Le dilemme auquel il faisait face est très intense. Ça nous a beaucoup attiré. Ça nous disait aussi que cette histoire est très actuelle : la technologie contre l’écologie. À qui appartiennent les ressources, qui peut les exploiter? Des questions qui ont une actualité aiguë. » (1) La pièce sera présentée au Théâtre Cercle Molière, en français le samedi 17 et le lundi 19 février, en anglais le dimanche 18 février. Plus d’informations sur wildwestshow.ca.