Provencher, si présent dans son absence
Mgr Provencher ne figure pas parmi les personnages de 1818, la pièce écrite pour souligner le bicentenaire de son arrivée à la Rivière-Rouge. Son auteur, Rhéal Cenerini, explique son approche.
Pour offrir sa perspective sur l’absence de Mgr Provencher dans sa pièce 1818, le dramaturge d’expérience va tout de suite au coeur de sa pensée : « L’Église est avant tout l’ensemble des croyants. Ceux qui vivent leur foi chrétienne comme ils le peuvent, de la façon qu’ils l’entendent, avec tous les défis et les joies que cela peut comprendre. « Alors si on veut célébrer les 200 ans de l’Église catholique dans l’Ouest, il ne suffit pas d’aborder que les grands personnages comme Provencher et Taché, ou encore les Soeurs grises, les pères Oblats et les fondateurs d’écoles et de collèges. Il faut commencer par l’ensemble des croyants. Ceux au service desquels est l’Église institutionnelle. » Rhéal Cenerini rappelle que « des croyants, il y en avait déjà en grand nombre à la RivièreRouge et dans l’Ouest canadien en 1818 ». « L’Église était donc présente. Dans le cas des familles métisses, cette présence dans l’Ouest remontait à 50, 75 voire même 100 ans. C’est d’ailleurs en grande partie à cause de cette présence que l’abbé Joseph-Norbert Provencher, l’abbé Sévère Dumoulin et le séminariste Guillaume Edge sont arrivés à la colonie le 16 juillet 1818. L’année précédente, une pétition avait été signée par les fidèles de la RivièreRouge et envoyée à Mgr JosephOctave Plessis, l’archevêque de Québec, pour qu’on fasse venir des prêtres pour établir une mission. La plupart des signataires étaient métis. » Si Provencher n’est pas un personnage dans 1818, on parle cependant de lui. Surtout au début de la pièce. « Mon personnage principal, la Métisse Élise Larocque, le mentionne souvent. C’est évident que les fidèles voulaient le clergé. Il fallait cette présence de l’Église institutionnelle pour leur fournir les sacrements et une éducation religieuse. Et je suis certain que lors de la première célébration eucharistique, le 19 juillet 1818, il y avait du monde à la messe! »
Rhéal Cenerini n’hésite pas à afficher son admiration pour Joseph-Norbert Provencher. « En faisant ma recherche sur l’époque, j’ai vite compris les efforts herculéens entrepris par le premier évêque de SaintBoniface. Il fallait vraiment croire qu’on faisait la volonté de Dieu pour entreprendre ce travail de longue haleine qu’a été la création du diocèse. Provencher croyait que la mission qu’on lui avait confiée dépassait de loin ses humbles moyens. Provencher se voyait comme un petit curé de campagne. Au bout du compte, il a été administrateur, recruteur, éducateur. Et aussi agriculteur, puisqu’il a essayé de convaincre ses ouailles semi-nomades d’adopter une vie plus sédentaire en leur donnant des cours en production agricole.
« Je suis persuadé qu’il savait fort bien qu’il n’allait pas voir de son vivant les fruits de son travail. Pourtant, Provencher n’a pas cessé d’oeuvrer et de persévérer. Même quand tout s’accordait pour lui rendre la vie impossible : inondations, sauterelles, sècheresse, épidémies. L’homme a fait preuve d’une persévérance extraordinaire.
« J’admire aussi l’humanité de Provencher. Comme nous tous, il pouvait se décourager. Sa première réaction à l’arrivée en 1845 du jeune Alexandre Antonin Taché, a été de se plaindre. Il demandait des hommes, et on lui avait envoyé un garçon! »