La Liberté

La façon de comprendre une tragédie est loin d’être innocente

- ANNABEL LEVESQUE

La tragédie qui a touché la communauté de Humboldt en Saskatchew­an en avril dernier a résonné auprès de nombreuses personnes. À preuve : la campagne GoFundMe a récolté plus de 15 000 000 $, un succès sans pareil au Canada. Les réactions n’ont toutefois pas été unanimes.

Certains ont attribué le résultat de la campagne de financemen­t au statut de jeunes hommes blancs des victimes. Une opinion qui, en retour, en a enflammé plus d’un.

Or ce qui a dérangé, ce n’est pas tant la mobilisati­on des gens à l’endroit des victimes et de leur famille. Comment pourrait-on reprocher à quiconque d’éprouver de la sympathie lorsque le malheur s’abat ainsi sur leurs prochains? Ce qui a dérangé, c’est plutôt l’écart notable que suscitent, dans l’opinion publique, d’autres drames. Prenons l’exemple des disparitio­ns de jeunes femmes autochtone­s, si longtemps demeurées sous silence. Les recherches en psychologi­e sociale ont mis en lumière un biais important dans la façon dont on explique les évènements qui surviennen­t chez ceux qui font partie d’autres groupes sociaux, comme les minorités ethniques et culturelle­s. Ainsi on attribuera­it plus volontiers leur malheur à des facteurs internes et inhérents aux individus ou à leur culture (comporteme­nt et modes de vie) au détriment des influences contextuel­les. Par conséquent, notre capacité à ressentir de la sympathie s’en voit forcément atténuée, puisque cette manière de comprendre les faits a pour résultat de blâmer les victimes. Alors qu’une tragédie qui survient dans des circonstan­ces perçues comme aléatoires et hors de contrôle – comme ce fut le cas en Saskatchew­an – suscite plus souvent la sympathie pour les victimes.

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