EN COLIMAÇON POUR LA LITURGIE
«La conception de l’église catholique du Précieux-Sang a été un exercice long et complexe, mais très stimulant et agréable à réaliser, se souvient encore l’architecte de l’oeuvre, Étienne Gaboury, 50 ans après son inauguration. Le Père Aurèle Lemoine, oblat de Marie-Immaculée et à l’époque curé de la paroisse, m’avait demandé quelque chose de beau et grand, de 600 places au minimum. Quand on est architecte, c’est ce qu’on veut entendre! » Si la construction elle-même n’a pris qu’un an environ, les plans ont été travaillés, retravaillés et changés plusieurs fois avant d’aboutir à la bâtisse que nous connaissons aujourd’hui. « Ça a pris au moins quatre ans, confie Étienne Gaboury. Au total, mon associé Denis Lussier et moi avons présenté cinq plans différents. » La raison de tous ces défis? Tout d’abord, il fallait construire la nouvelle église au-dessus du sous-sol en béton qui avait servi d’église temporaire. « Il sortait de terre sur presque deux mètres, donc on prévoyait des grands escaliers pour monter à l’église, mais le Père Lemoine ne voulait pas d’escaliers. Finalement, on a démoli le sous-sol. » La paroisse a aussi décidé d’acheter deux maisons avoisinantes afin d’avoir un terrain plus grand sur lequel travailler, pour développer des plans en phase avec les besoins liturgiques. En effet, c’était aussi la fin du Concile Vatican II en 1965. « Toute la question de la liturgie était en ébullition, raconte l’architecte. L’Église de Rome demandait désormais d’épurer les églises pour se concentrer sur les sacrements plutôt que sur les statues et les images, et que la communauté paroissiale puisse participer intégralement à tous les sacrements. Il fallait créer une relation étroite entre le sanctuaire et la nef, avec le prêtre faisant face à la congrégation. » Comment intégrer l’idée d’une nef ouverte sur tous les sacrements, au coeur de la communauté, et d’un prêtre proche de ses paroissiens? « La forme la plus belle que j’ai pu trouver, après plusieurs jours de réflexion, c’était le colimaçon, avec la fin de la nef qui revient à l’entrée où sont les fonds baptismaux, en passant par les confessionnaux, et l’autel au coeur de ce colimaçon. « J’ai aussi placé la sacristie près de l’entrée pour symboliser que le prêtre reçoit ses fidèles à l’entrée et les accompagne dans la liturgie. » C’est en développant son concept de colimaçon en trois dimensions que l’architecte a abouti à la forme de tipi très particulière à l’église du PrécieuxSang. « C’étaient des plans très complexes du fait de la charpente inhabituelle; de plus on n’avait pas d’ordinateur à l’époque pour faire nos calculs! « Mais on a eu une très bonne collaboration avec les constructeurs, Bockstael Construction, pour réaliser fidèlement ce projet. Le seul changement qui a été fait a été dans la connexion de toutes les poutres en haut, dans la coupole où la lumière entre dans l’église. » L’architecte a aussi intégré à son oeuvre le thème de l’arbre de vie, par le biais des vitraux. « J’ai fait symboliquement commencer les racines en bas dans les fonds baptismaux, à l’entrée, puis l’arbre monte jusqu’au puits de lumière au sommet. » Par ailleurs, Étienne Gaboury est fier de n’avoir utilisé, essentiellement, que trois matériaux dans son oeuvre, en plus du bronze laqué du tabernacle : le bois pour la charpente, le verre pour les vitraux, et la brique pour les murs et le plancher. « C’était minimaliste et épuré, ce qui répondait très bien aux exigences du renouveau liturgique! » L’église du Précieux-Sang a été inaugurée officiellement le 23 juin 1968. « Au début, il y a eu certaines réactions virulentes, termine l’architecte. L’église était très différente des églises traditionnelles donc il y a eu une période d’adaptation, même pour le Père Lemoine. Mais finalement, les paroissiens se la sont appropriée et aujourd’hui, ils semblent être fiers de leur église et de son caractère! »