La Liberté

« Ici tout le monde peut parler anglais, mais le français, c’est spécial »

- Camille HARPER charper@la-liberte.mb.ca

Tout juste diplômée du secondaire, Lara Elnagary est ce qu’on appelle désormais une francophon­e, selon la Loi 5 (voir encadré). Elle parle un français sans aucune hésitation ou confusion dans son vocabulair­e. Et pourtant, ce n’est pas sa première langue, ni même sa deuxième. Mais cette troisième langue, elle l’a à coeur au point de vouloir étudier, puis travailler en français.

À son entrée en 6e année, Lara Elnagary ne parlait pas un mot de français. Aujourd’hui, tout juste diplômée du Collège Churchill, elle a remporté le 2 juin dernier à Ottawa le championna­t national d’art oratoire en français, catégorie Late Immersion. Elle annonce fièrement : « c’est la première fois de l’histoire de la Division scolaire de Winnipeg qu’un élève gagnait le concours ». Son amour pour la langue française, Lara Elnagary le doit à sa mère, Reem Amer, qui n’a pas hésité à l’encourager à persévérer dans les moments plus difficiles.

« Je suis née en Égypte et on parlait anglais et arabe à la maison, explique la jeune fille. Mon père n’a aucune expérience du français. En Égypte, ma mère a été à l’école française de la maternelle à la 6 e année, mais elle a dû arrêter ensuite, car sa famille déménageai­t au Koweit où il n’y avait pas d’école en français. Elle a presque tout oublié de son français, et c’est un grand regret pour elle. C’est elle qui a insisté pour que j’aille à l’école en français. »

Lara était en 6 e année à Toronto quand elle a rejoint le programme Extended French.

En effet, la famille venait de déménager au Canada en 2010 et la jeune Lara avait beaucoup de difficulté à suivre les cours en anglais. « Mes notes étaient très basses. »

Quitte à devoir travailler fort pour se remettre à niveau, sa mère décide alors de lui faire essayer le français dans un programme où certains cours sont en français et d’autres en anglais, notamment les sciences et les mathématiq­ues. « C’était si difficile au début! J’ai pleuré pendant des jours pour ne pas aller en classe. Je voulais abandonner, mais ma mère ne m’a pas écoutée. Elle ne voulait pas que je regrette plus tard, comme elle. Je suis contente de ça maintenant, car finalement mes notes ont été meilleures qu’en anglais! » De plus en plus intéressée et à son aise en français, Lara Elnagary, qui a déménagé à Winnipeg avec sa famille en 2014, a intégré un programme d’immersion totale en 9e année.

Si elle a trouvé la transition « difficile, car il y a certains cours que je n’avais jamais eus en français », elle s’est très vite adaptée. Si bien que dès sa première participat­ion au concours oratoire en français, en 9 e année, elle remporte la troisième place provincial­e catégorie Impromptu. Toujours dans la même catégorie, elle se hisse à la première place de la province en 10e année. « Dans la catégorie

Impromptu, on tire un sujet au sort et puis on a 15 minutes pour écrire un discours dessus. C’est là que j’ai réalisé que le français, c’était vraiment quelque chose que je voulais et que je pouvais poursuivre. En plus d’être capable de faire des discours devant le jury, j’y ai aussi rencontré plusieurs adultes qui ont parlé de leurs opportunit­és grâce au français dans leur vie. Ça m’a ouvert les yeux. « Moi aussi, je veux être bilingue dans ce pays bilingue. Ici tout le monde peut parler anglais mais le français, c’est spécial. Je ne veux jamais perdre cette originalit­é qui m’ouvre à une culture si belle et tant de possibilit­és d’emploi. Parler français, c’est une fierté pour moi. »

En 11e et 12e année, Lara Elnagary est passée dans la catégorie Late Immersion, qui lui permettait de concourir jusqu’au niveau national, contrairem­ent à la catégorie

Impromptu qui s’arrête au provincial. Elle a obtenu la deuxième place de la province en 11e année, puis la première place à la fois provincial­e et nationale en 12e année.

« Pour le concours national, j’avais choisi de parler des mutilation­s génitales des femmes en Égypte. Ça a affecté plusieurs femmes dans ma famille, notamment ma grandmère paternelle, qui a été mutilée à 11 ans. Il fallait que j’en parle car ça me touchait beaucoup. Je crois cette émotion personnell­e que j’ai fait passer, c’est ce qui m’a aidée à gagner. »

Désormais sortie du cursus scolaire, Lara Elnagary continue de voir son avenir en français. En septembre 2018, elle ira étudier à l’Université de SaintBonif­ace dans le programme du baccalauré­at en sciences générales. « Aller étudier en français, c’était un no brainer. Le français est tellement une passion que je ne peux pas m’imaginer continuer sans. » Ensuite, la jeune fille se voit « sans aucun doute travailler en français, peut-être à l’Hôpital Saint-Boniface. Je veux parler aux gens dans les deux langues. Je me sentirais mal si je devais dire à quelqu’un qui a besoin d’aide : Ah non désolée, je ne parle pas français ».

D’ailleurs, elle en sait quelque chose : « En 11 année et début de 12e année, je faisais du bénévolat au centre-ville à la pharmacie 9 to 9 Care Pharmacy. Une personne qui ne parlait que le français est arrivée. J’étais la seule personne dans de toute la pharmacie à pouvoir l’aider à ce moment-là. J’étais très fière d’être capable de le faire. » e

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Lara Elnagary est la première élève de la Division scolaire de Winnipeg a gagner le Championna­t national d’art oratoire, catégorie Late immersion.

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