Le Manitoba a joué de son bilinguisme
«J’avais envie d’autre chose. » Martine Pelletier, arrivée au Manitoba il y 37 ans, était bercée par ce besoin d’ailleurs.
« J’ai grandi dans le BasSaint-laurent, dans un petit village, Saint-pacôme. Mon
Martine Pelletier est partie à la découverte du Manitoba par esprit pratique, en décidant de poursuivre ses études au Collège universitaire de Saint-boniface (aujourd’hui Université de Saint-boniface). Une volonté de cultiver son bilinguisme lui a donné une appréciation supplémentaire du français.
parcours scolaire est un peu atypique. En 1979, j’ai passé un an au Tennessee. Comme je ne voulais pas perdre mon anglais, j’ai ensuite étudié au Cégep St. Lawrence à la ville de Québec. À la fin du parcours, il me restait des cours à valider. J’ai donc fini mes études au Cégep de La Pocatière.
« Et à ce Cégep, une représentante du Collège universitaire de Saint-boniface (CUSB) était venue pour nous parler de l’éducation en français au Manitoba. Je pense que j’étais convaincue, puisque j’ai embarqué. Et comme en plus je voulais changer d’air…
« Je savais qu’il n’y avait pas beaucoup d’emplois au Québec. Mais je ne savais pas qu’il y avait des francophones au Manitoba. Le CUSB devenait une bonne opportunité pour continuer à pratiquer mon anglais et mon français. »
C’est donc à la totale découverte que s’est lancée Martine Pelletier en 1983. « Je me rappelle que cette année-là était une année particulière pour le CUSB, parce qu’une cinquantaine de Québécois s’étaient inscrits. La représentante du Collège avait obtenu un très bon résultat. Nous étions plus âgés que les étudiants d’ici, parce que nous avions nos années de Cégep.
« J’ai très rapidement décidé de me mélanger avec les FrancoManitobains. Beaucoup de Québécois restaient entre eux. Ils venaient pour l’expérience et repartaient par la suite. Moi je voulais apprendre à les connaître, connaître leur histoire. J’étais très curieuse.
« J’avais rencontré une Franco-manitobaine, Lucile Verley. J’ai passé quelques fins de semaine chez elle et sa famille. Son père me contait des histoires par rapport à la crise linguistique qui était en cours. Ou encore il parlait de l’ancienne l’interdiction d’étudier en français. Ses frères disaient que le fait de parler français n’était pas valorisant du tout. Alors moi comme Québécoise, ça m’a bouleversée. Je tenais le français pour quelque chose de précieux. »
C’est forte de cette conviction que Martine Pelletier s’est par la suite investie dans l’éducation en français. « J’ai enseigné pendant quelques années à l’école Robert Browing School de Saint-james. Dans cette école, il y avait une conseillère. J’observais son travail. J’étais très attirée par le counselling. Je me suis formée. Quand un poste s’est ouvert dans le même établissement, j’ai postulé.
« J’ai fait une grande partie de ma carrière comme conseillère pour les enfants et j’ai adoré ça. On ne voit pas le temps passer quand on aime ce qu’on fait. »
| Renforcer le sentiment
Plus récemment, quand Martine Pelletier a commencé à avoir un peu plus de temps, elle s’est engagée dans quelques organismes. « Depuis quatre ou cinq ans, je participe à la chorale des Blés au Vent. Je fais aussi partie du conseil d’administration de Cinémental depuis un an.
« Beaucoup de choses sont entreprises pour renforcer le sentiment d’appartenance des francophones au Manitoba. Malgré tout, je ne sais pas si je me sens vraiment FrancoManitobaine. Je suis mariée à un Franco-manitobain, Bertrand Nayet. Je peux sans hésiter dire que je suis une francophone du Manitoba, mais j’ai de la misère à dire que je suis FrancoManitobaine.
« Peut-être parce que pendant longtemps, ce terme était réservé aux personnes nées au Manitoba. Voilà quelques années, il y a eu beaucoup de débats autour de l’idée de Franco-manitobain. Personnellement, je préfère dire que je suis une francophone du Manitoba. Cette année par exemple, je me suis surprise à dire : Ah on est bien chez nous! en parlant du Manitoba.
« Mes enfants, Julien et Odélie, sont sans conteste Franco-manitobains. Lorsqu’ils avaient autour de neuf ans, nous sommes allés visiter de la famille au Québec. Et ils nous ont dit qu’ils préféraient le Manitoba, parce qu’ils adoraient vivre dans les deux langues. »