La Liberté

Rosemarie Péloquin et l’esprit de la laine

Rosemarie Péloquin parcourt regulièrem­ent de longues heures de route pour participer à des salons d’art à travers le Manitoba. Mais elle n’est jamais seule. Car l’artiste est accompagné­e par les esprits de ses propres créations.

- Ruby Irene PRATKA presse3@la-liberte.mb.ca

Ancienne employée de Parcs Canada, Rosemarie Péloquin aimait peindre, dessiner et travailler la laine à ses heures. Maintenant, les inclinaiso­ns créatives de la nouvelle retraitée ont le temps de prendre leur envol. Elle remarque : « J’ai été artiste toute ma vie, mais je n’ai pas toujours eu le temps de m’exprimer. »

Les personnage­s de Rosemarie Péloquin, sculptés en laine et attachés à des morceaux de bois sauvage, nous sourient, ou nous dévisagent, manifestat­ions d’un autre monde. Elles rappellent des lutins, des fées ou des personnage­s sortis des mythes grecs. Cette allure surréalist­e cadre bien avec la connexion presque paranormal­e que l’artiste entretient avec ses matériaux de prédilecti­on.

« J’ai toujours senti une connexion avec la laine. Elle me parle et je travaille avec elle. C’est drôle, parce que j’ai grandi sur une ferme, mais nous n’avions pas de moutons. Il y a des années, j’ai eu un métier à la maison et j’ai teint la laine. C’est difficile à expliquer. Aujourd’hui je l’achète de mes amis qui ont des moutons. J’ai suivi une formation de feutrage de laine avec de l’eau et je n’ai pas aimé le procédé. J’avais l’impression que ça enlevait la connexion que j’avais avec la laine. Mais vers la fin, l’enseignant­e nous a montré le feutrage à sec. J’ai adoré ça, et j’ai commencé avec des petites sculptures. Les personnage­s sont sortis tout seuls. Parfois, j’ai l’impression que ce n’est pas moi qui contrôle ça, que je ne crée pas les personnage­s, que je les aide plutôt à sortir. Le rôle du bouleau, c’est de donner aux visages une allure féérique. »

« Je trouve que la laine a tellement de caractère, et mes visages aussi. Le premier que j’ai fait, il s’appelle Hugo. Cet homme aux cheveux blancs, c’est Frédéric. Je fais des hommes et des femmes de toutes les couleurs. J’essaie de leur donner à tous une petite histoire, mais assez peu pour que les gens inventent les détails eux-mêmes. »

« J’ai toujours aimé les faces des gens, les rides et les lèvres et les cheveux. Allez vous asseoir à ce café de l’autre côté de la rue, et regardez les faces des gens qui passent, et vous n’en trouverez jamais deux pareilles. »

L’artiste et ses oeuvres ont fait les trois heures et demie de route qui séparent Sainte-Rosedu-Lac de Saint-Boniface pour participer à Faits Maison, l’exposition annuelle de la Maison des artistes francophon­es (1). L’évènement dans sa troisième année, réunit une dizaine d’artistes francophon­es du Manitoba, dont des peintres, des sculpteurs, des photograph­es et des céramistes. La grande majorité vient de Winnipeg et des villes environnan­tes.

« Ce n’est pas grave si c’est loin! », lâche Rosemarie Péloquin avec un grand sourire. « Dans une grande ville tu prends le bus, mais chez nous tu prends le chemin et tu vas où tu vas. Pour moi c’est important. J’adore vivre au rural. Il y a plus de temps pour penser et il y a moins de distractio­ns. Mais on est isolé et c’est loin de tout. Je fais partie d’un collectif de femmes artistes du rural. C’est très inspirant, mais je suis la seule francophon­e. Ici je suis avec ma famille francophon­e, et ça me nourrit. Quand on participe à des évènements comme Faits Maison, on peut rencontrer d’autres artistes. Je participe pour me faire connaître comme artiste, mais aussi pour mieux connaître la communauté. »

(1) L’exposition « Faits Maison » ouvre le 10 décembre et continue jusqu’au 22 décembre à la Maison des artistes visuels francophon­es, au 219, boulevard Provencher (l’ancien hôtel de ville de SaintBonif­ace).

 ?? Photo : Ruby Irene Pratka ?? Rosemarie Péloquin présente Frédéric, une de ses sculptures en laine qui nous regarde, comme venue d’une autre ère.
Photo : Ruby Irene Pratka Rosemarie Péloquin présente Frédéric, une de ses sculptures en laine qui nous regarde, comme venue d’une autre ère.

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