DE LA SEMAINE
« Ce n’est pas seulement dire “je vous tolère, parce que vous êtes différents” et rester à distance. L’inclusion, c’est impliquer les autres qui sont différents de moi, aller vers l’autre. »
Josh Watt, directeur de l’Association des commission scolaires du Manitoba, offre sa perspective sur l’inclusion et la place de l’enseignement religieux à l’école.
La question de l’enseignement religieux durant les heures de classe a récemment fait débat dans la Division scolaire franco-manitobaine. Les parents pro-catéchèse ont obtenu gain de cause, en se basant sur la Loi sur les écoles publiques. Mais qu’en est-il des autres divisions? Prise de recul avec Josh Watt, directeur de l’Association des commissions scolaires du Manitoba.
Quelle a été votre réaction au récent débat sur les heures de catéchèse qui a animé la DSFM?
Au nom de l’association, nous avons demandé un point de clarification au gouvernement sur le sujet de la religion dans les écoles. En réponse, il nous a confié un guide scolaire, Respecting Religious Diversity, qui devrait être traduit et diffusé en français à l’automne 2017. Ce guide donne des clés aux enseignants pour gérer les différentes pratiques religieuses à l’école, dans le respect des croyances de chacun. Dans la Loi sur les écoles publiques, il y a un paragraphe qui dit que notre secteur doit rester laïque. Mais comment parvenir à un équilibre entre les croyances? C’est ce que ce guide va aider à comprendre.
À la réunion de la CSFM du 22 mars, des parents ont soutenu que cet enseignement mettait à l’écart une partie des élèves. Qu’en pensez-vous?
Je me souviens que lorsque j’étais élève, des élèves noncroyants devaient rester dans le couloir pendant la prière. C’était injuste. Aujourd’hui, c’est un peu différent. Concernant l’enseignement religieux, seuls les élèves qui le souhaitent y assistent, et les autres élèves suivent d’autres activités.
Inclure ce cours dans les heures de classe, c’est une autre question. À l’ACSM, on en a discuté avec nos avocats. Si ces cours étaient déplacés avant ou après l’école, ce serait aussi problématique, car nous ne pouvons pas imposer aux parents de gérer le transport de leurs enfants.
Pouvez-vous donner plus de précisions sur les paragraphes de la Loi sur les écoles publiques concernant la place de la religion à l’école, et leur contexte d’application?
Cette loi date de 1896 et provient de ce qu’on appelle le compromis Greenway/Laurier sur les écoles manitobaines. Elle pourrait changer, mais je pense que c’est un avantage d’avoir un système où tous les élèves peuvent apprendre ce que sont les différentes religions. Une fois, le directeur de l’Institut des droits de l’homme de Caen est venu au Manitoba et a visité l’Université de Saint-Boniface. On lui a montré la chapelle, puis la salle de prières pour les musulmans. Il a trouvé cela merveilleux. Parce qu’on accommodait des traditions ensemble. Pour l’instant, ce paragraphe sur l’enseignement religieux a seulement été utilisé pour la religion catholique. Mais si par exemple des parents musulmans, ou sikhs, voulaient demander un enseignement de leur religion, ils auraient le droit avec ce paragraphe.
La DSFM est-elle la seule division où ce débat sur l’enseignement religieux a pris place?
Oui. Dans les années 1970, presque toutes les divisions étaient concernées par l’enseignement religieux. Je crois que la DSFM est aujourd’hui la dernière division où une Soeur entre encore dans l’école pour donner un cours. Cependant, d’autres écoles utilisent des paragraphes qui ont déjà été condamnés par la Cour du Banc de la Reine. Ces passages de la loi concernent les exercices religieux, comme la prière. À peu près le tiers de nos divisions, soit 14 environ, serait concerné.
Pourquoi ces paragraphes ont-ils été condamnés?
En 1992, un élève a protesté contre cet exercice. Dans sa classe, les élèves se sont levés pour la prière. Lui est resté assis. Il a été expulsé pour ça. Il a déclaré que c’était une violation de ses droits et a lancé une procédure judiciaire. Et il a gagné. Après ça les divisions devaient enlever la prière et la lecture de la Bible.
Mais un tiers des divisions scolaires manitobaines pratiqueraient encore la prière?
Oui. Depuis le retrait de ces paragraphes, chaque division scolaire s’assure que seuls les élèves qui ont la permission de leurs parents assistent aux prières. C’est pourquoi on n’a jamais eu de plaintes des élèves ou des parents à ce sujet dans les 25 dernières années. Doivent-ils continuer à faire ceci? À notre avis, en tant qu’association, comme la Cour a déjà condamné ce paragraphe, non. Il y a des élèves non-croyants. Ces écoles sont en train de contrevenir à la loi. Avec le guide sur la diversité religieuse, on espère que toutes les divisions scolaires recevront des informations plus récentes à ce sujet, avec l’objectif de renouveler un dialogue provincial.
En quoi ce guide fera-t-il la différence?
Ce que le guide sur la diversité religieuse décrit, c’est la reconnaissance, dans le respect, des différentes identités qui composent la société. On ne veut pas enlever aux élèves leur identité. Ce n’est pas seulement dire “je vous tolère, parce que vous êtes différents” et rester à distance. L’inclusion, c’est impliquer les autres qui sont différents de moi, aller vers l’autre.
N’y-a-t-il pas des limites à l’inclusion? Peut-on vraiment faire cohabiter des croyances divergentes?
Il y a quelques années, il y avait un jeune élève dont les parents étaient néo-nazis, ce qui a soulevé des questions. C’est quoi la limite des croyances? Des expressions des droits humains qu’on doit respecter? Peut-on donner aux jeunes la connaissance des réalités qui existent dans la société, sans effacer l’identité de chacun? Si on cache cette réalité, les élèves ne seront pas préparés à la vie qui les attend.