La Liberté

« Un télégramme chargé de ramificati­ons »

- Daniel BAHUAUD redaction@la-liberte.mb.ca

Des télégramme­s échangés entre Ottawa et les troupes de Middleton lors de la Résistance du Nord-Ouest en 1885, désormais présentés en ligne, indiquent subtilemen­t combien le gouverneme­nt de John A. Macdonald souhaitait la pendaison de Louis Riel. Des documents toujours pertinents pour l’Union nationale métisse SaintJosep­h du Manitoba, qui préconise l’exonératio­n de Riel.

En 1885, John M. Egan, le directeur général de la division de l’Ouest du Canadien pacifique, s’est mis à collection­ner des télégramme­s échangés entre la Saskatchew­an et Ottawa lors de la Résistance du Nord-Ouest.

Près de 1 000 télégramme­s qui étaient passés par son bureau à Winnipeg ont été recueillis par John M. Egan dans un registre, qui a été conservé au fil des années par ses descendant­s américains et légués aux Archives provincial­es de la Saskatchew­an en 2016.

Parmi les communicat­ions, on retrouve des messages entre le général Frederick Middleton, chargé de mater la résistance métisse, et le Premier ministre du Canada John A. Macdonald. On y retrouve également des télégramme­s entre RenéAdolph­e Caron, le ministre de la Milice et de la Défense et Middleton, ainsi que ses officiers. Les documents sont désormais exposés en ligne, en version numérisée, sur le site des Archives provincial­es de la Saskatchew­an. (1)

Pour Curt Campbell, le directeur de l’unité de gestion de la préservati­on aux Archives, il s’agit d’une « mine de renseignem­ents historique­s petits et grands ».

« Les télégramme­s offrent une perspectiv­e unique sur la Résistance du Nord-Ouest, particuliè­rement du point de vue du général Middleton et du gouverneme­nt Macdonald. On apprend beaucoup sur les difficulté­s de diriger une opération militaire en 1885, du ravitaille­ment aux mouvements des troupes. Mais on voit également que John A. Macdonald cherchait à tout prix à s’assurer que les Autochtone­s ne s’insurgerai­ent pas avec les Métis contre Ottawa. Des télégramme­s du Premier ministre aux chefs Pasqua et Muskowpten­a rappellent les promesses faites par le Parlement lors de la signature de traités.

« Avant tout, on ressent jusqu’à quel point le sort de Louis Riel était au coeur des discussion­s. Le 12 mai, Middleton écrit à Caron en déclarant Sorry to say have not got Riel. Le 26 juin, il écrit à Caron que the object of the campaign has been attained – Riel’s party defeated and broken up, himself a prisoner. »

L’historien manitobain Philippe Mailhot abonde dans le même sens. « Dans son télégramme du 21 mai 1885, le ministre Caron écrit aux officiers de Middleton stationnés près du poste de télégraphe de Cook’s Crossing : Send Riel and other prisoners to Regina instead of Winnipeg. If escort and prisoners have left Crossing repeat this order without delay.

« Ce télégramme est très important. Il met en évidence l’intention du Macdonald de faire en sorte que Riel soit jugé coupable. Si son procès avait eu lieu à Winnipeg, comme il aurait dû l’être, Riel aurait eu droit à 12 jurés, dont la moitié devait être des francophon­es. Son procès aurait été bilingue et il aurait comparu devant un vrai juge, armée d’une excellente connaissan­ce du droit.

« À Regina, c’était tout le contraire. Hugh Richardson, un magistrat moins expériment­é et pas encore juge, dirigeait le procès, qui était en anglais. Les services de traduction étaient piètres et le jury était composé de six anglophone­s. Le résultat était prévisible. Et souhaité.

« Le télégramme du ministre Caron n’est pas une preuve irréfutabl­e des intentions de John A. Macdonald. Mais il démontre clairement que garder Riel dans l’Ouest était une grande priorité. »

En mai 2016, l’Union nationale métisse Saint-Joseph du Manitoba a demandé au gouverneme­nt fédéral d’examiner la possibilit­é d’exonérer Louis Riel.

Pour Paulette Duguay, la présidente de l’organisme, le télégramme de René-Adolphe Caron « pourrait certaineme­nt s’ajouter à la documentat­ion déjà soumise au Fédéral ».

« C’est un document qui vient confirmer les suspicions transmises par l’histoire orale des Métis depuis 1885. On comprend que Macdonald voulait la peau de Riel et qu’il a utilisé tous les moyens, y compris des instructio­ns claires transmises par télégraphe. Le seul élément qui manque, c’est que le ministre Caron ne partage pas la pensée derrière son message. Il faut lire entre les lignes. Mais il s’adressait à des militaires. Il donnait des ordres et ne cherchait pas à s’expliquer. N’empêche que Macdonald savait ce qu’il faisait. Et ce qu’il voulait. »

(1) On peut voir l’exposition au http://www.saskarchiv­es.com/collect ions/exhibits/cpr-telegraph-ledger

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Photo : Gracieuset­é Archives provincial­es de la Saskatchew­an Philippe Mailhot : « On ne peut pas sous-estimer l’impact que peuvent avoir de tels documents. Ou leur pertinence, non seulement pour les chercheurs, mais pour les Canadiens d’aujourd’hui. » En médaillon : Le télégramme 21 mai 1885 du ministre de...

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