À travail égal, salaire égal? Un défi historique de taille
La question de la rémunération en milieu agricole est complexe et soulève certaines inégalités. Lorsqu’il s’agit de productrices ou de conjointes d’agriculteurs, seulement une femme sur cinq perçoit un salaire provenant de l’exploitation.
Il a été possible d’analyser le revenu annuel de plus de 800 agricultrices et agriculteurs québécois. Comme dans plusieurs autres sphères de la société, les femmes rémunérées en agriculture reçoivent en moyenne 79 % du salaire de leurs homologues masculins (18 603 $ contre 23 468 $).
Pourquoi est-ce ainsi? Une partie de la réponse peut être retracée dans l’histoire. Dans les sociétés ancestrales et traditionnelles, la très grande majorité de la population vivait de la production agricole. Les femmes étaient indispensables à l’agriculture de subsistance et s’activaient à une multitude de tâches. Leurs efforts et leur rigueur contribuaient à la prospérité et à la sécurité de la ferme.
La révolution industrielle a modifié le monde du travail et le monde rural. Le concept même de salaire versé par un employeur ne date que du milieu du 19e siècle. Plusieurs cultivateurs quittaient la campagne pour la ville. Les ouvriers se faisaient payer un salaire théoriquement susceptible de subvenir aux besoins de leur famille. Par conséquent, la rémunération des femmes était moindre puisqu’il s’agissait d’un revenu d’appoint. Lorsqu’un ouvrier réussissait à se sortir de la misère, c’est qu’il gagnait un revenu suffisant pour permettre à sa femme de ne pas travailler, donc de ne pas toucher de rétribution. Elle pouvait ainsi se consacrer aux tâches quotidiennes considérées, encore aujourd’hui, comme plus naturelles pour la femme et improductives sur le plan économique. De nos jours, même si les tâches domestiques et les soins aux enfants sont répartis plus équitablement au sein des couples, il reste que près de 65 % des agricultrices en sont toujours les principales responsables.
Tous ces schémas de pensée sont encore socialement ancrés dans l’imaginaire collectif. Les productrices et conjointes d’agriculteurs doivent faire face à un morcellement de leur travail qui répond à une logique d’aide à autrui, d’interventions d’urgence et de productivité. Les conséquences de cette fragmentation sont, d’une part, la croyance que leur apport est secondaire et qu’il peut constamment être interrompu et, d’autre part, la difficulté à apprécier celui-ci en termes de temps et de description. Même si aucune étude récente n’existe sur la contribution réelle des femmes au monde agricole, force est de constater que leur travail, rémunéré ou non, a toujours eu un impact substantiel sur la viabilité et la pérennité des fermes québécoises.
Où s’en va la reconnaissance du travail des femmes?