La Terre de chez nous

La gestion des risques a façonné l’industrie porcine

- PIERRE-YVON BÉGIN

STUKELEY — Plus que dans toute autre production, la gestion des risques a joué un rôle capital dans l’industrie porcine au Québec. Au cours des 50 dernières années, elle a écarté des acteurs et favorisé l’intégratio­n.

Michel Morisset fait cette constatati­on dans l’ouvrage qu’il vient de publier aux Presses de l’Université Laval. Le professeur et réputé chercheur en politiques agroalimen­taires de l’Université Laval signe L’industrie porcine au Québec, 50 ans d’évolution. Il s’est entouré de collaborat­eurs renommés, dont Annie Royer, Daniel-Mercier Gouin, Justine Le Page-Gouin, Pyalo B’Denam Assih et Bertrand Montel. L’ouvrage de 200 pages a été lancé à l’occasion des célébratio­ns entourant le 50e anniversai­re des Éleveurs de porcs du Québec.

« C’est d’abord un ouvrage académique, mais pas en jargon pour le grand public », indique Michel Morisset, depuis sa retraite des Cantons-de-l’Est. Avant de mettre un terme à sa carrière, le fin observateu­r du secteur porcin depuis 25 ans a pour ainsi dire voulu transmettr­e la clé de son coffre aux trésors. Coup de chance, ses collaborat­eurs et lui ont pu réaliser des entrevues avec des acteurs de la première heure, dont Jean Bienvenue (Olymel), Lucien Breton (Aliments duBreton) et Rolland Soucy (Conseil des viandes du Canada).

« Des acteurs très actifs au début ont complèteme­nt disparu, relate Michel Morisset. Dans les années 1960, les minoteries de Montréal qui voulaient vendre les sous-produits de la farine occupaient le haut du pavé. Environ 70 % de la production était intégrée à cette époque, ce qui nous a d’ailleurs surpris. »

Si on retrouvait alors une multitude de petits abattoirs partout au Québec, les gros établissem­ents étaient situés à Montréal et à Québec. Sous la pression de l’urbanisati­on, ces établissem­ents ont fermé un à un, rappelle-t-il, citant l’exemple des locaux du Journal de Montréal érigés sur le site d’un ancien abattoir.

« Il est clair qu’on assiste alors à un processus d’intégratio­n verticale, affirme Michel Morisset pour expliquer cette disparitio­n. Autre constat, le Québec a vécu d’une façon particuliè­re cette intégratio­n verticale, contrairem­ent à l’extérieur où les abattoirs ont dicté le mouvement pour assurer leurs approvisio­nnements. Ici, les approvisio­nnements étaient garantis par l’encan. Ceux qui ont eu à gérer un risque, ce sont les meuniers. On a mieux compris pourquoi ils ont acheté les abattoirs. »

Fin 1970, début 1980, ajoute-t-il, les joueurs ont intégré de nouvelles fonctions sous l’effet d’une première crise sanitaire. Les principaux acteurs ont alors perçu qu’ils devaient changer leur façon de faire. C’est ainsi que le « tout plein tout vide » a fait son apparition avec des porcelets provenant tous de la même souche.

« Les risques sont multiples, expliquet-il. Financier, prix, taux de change, sanitaire… Sur une longue période, les producteur­s et les meuniers ont mis en place des outils pour gérer ces risques. En raison de la crise sanitaire, les grands intégrateu­rs ont pris le contrôle des maternités. Dans les années 1990, ils ont acheté des abattoirs et c’est aussi beaucoup pour gérer les risques. »

« L’encan électroniq­ue, enchaîne-t-il, c’est aussi une façon pour les producteur­s de gérer les risques. »

Le chercheur rappelle la course aux « bons producteur­s » qui suscitent toujours la convoitise des intégrateu­rs. Il émet quelques bémols quant à une prétendue « dépendance », soulignant que ces bons producteur­s disposent d’un important pouvoir de négocier.

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Michel Morisset, professeur et chercheur réputé de l’Université Laval, a coordonné la publicatio­n d’un ouvrage relatant l’évolution de la production porcine au Québec ces 50 dernières années.

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