La Terre de chez nous

Filets d’exclusion : embryonnai­res, mais prometteur­s

- MARIANNE BISSONNETT­E mbissonnet­te@laterre.ca

SAINT-BRUNO-DE-MONTARVILL­E — Dans le verger de l’Institut de recherche et de développem­ent en agroenviro­nnement (IRDA), pas moins de 20 études sont en cours. Parmi celles-ci, trois se consacrent à une technique qui pourrait bien révolution­ner l’agricultur­e biologique ou intégrée : les dispositif­s d’exclusion.

Il s’agit en fait de filets de polyéthylè­ne (un plastique) qui enveloppen­t des rangées de pommiers du tronc à la cime. Comme certains d’entre eux n’ont été installés que cette année, les études se limitent pour l’instant au prototypag­e, c’est-à-dire qu’on observe comment ils fonctionne­nt. « On s’est inspirés des Français. Eux, ils font ça depuis des années, mais leurs filets visent spécifique­ment le carpocapse, explique Gérald Chouinard, chercheur à l’IRDA. Au Québec, on a beaucoup plus de ravageurs fruitiers, alors il faut adapter l’équipement. »

Presque rien à leur épreuve

Les filets de l’IRDA ont tout pour plaire. Conçus et produits à Montréal, ils peuvent rester en place pendant 10 ans si on les traite avec soin. Ils protègent les arbres de la grêle et de nombreux insectes comme le charançon et l’hoplocampe, et ont d’autres propriétés avantageus­es que Gérald Chouinard tente toujours d’évaluer. « En 2014, on a eu un gel au verger et on a trouvé un anneau de gel sur plusieurs pommes… mais pas sur celles qui étaient sous les filets. Pourtant, quand il fait chaud, la températur­e est la même à l’intérieur et à l’extérieur des filets. On pense que, grâce à eux, la chaleur se dissipe moins vite. »

Attachés autour des pieds des pommiers, les filets empêchent la plupart des ravageurs de survivre, puisque les larves naissant dans les arbres doivent tomber au sol pour se métamorpho­ser. Comme les filets retiennent leur chute, elles meurent avant d’avoir pu se transforme­r. Quant au carpocapse, il est bloqué par les filets et ne peut donc assurer sa reproducti­on, qui se déroule habituelle­ment au-dessus des arbres.

Inquiétude­s

M. Chouinard fait toutefois face à un défi de taille : la tordeuse à bandes obliques. Elle n’a pas besoin de passer un stade de sa croissance dans le sol, alors elle reste à l’intérieur des filets, qui lui offrent un environnem­ent sécuritair­e, exempt de prédateurs. Dans un autre ordre d’idée, on a relevé que les filets intercepte­nt 15 % de la luminosité du soleil. Est-ce suffisant pour observer une baisse de la photosynth­èse? Le chercheur préfère attendre les résultats des prochaines récoltes avant de se prononcer.

Quant à la parcelle d’étude inaugurée cette année, elle a pour but de régler la question de la pollinisat­ion. Les chercheurs qui, jusque-là, relevaient les filets deux jours pendant la floraison pour permettre aux abeilles de butiner, ont tenté la pollinisat­ion sous filets avec des bourdons. « À l’inverse des abeilles, les bourdons travaillen­t bien en environnem­ent fermé », explique Gérald Chouinard. Il faudra attendre la récolte pour voir le résultat mais, jusqu’à maintenant, la technique semble fonctionne­r.

Et le marché?

Bien que certains producteur­s biologique­s s’intéressen­t de près au dossier, le produit est encore très cher, et il ne sera pas avantageux de s’en servir si ça n’apporte pas de prime sur les pommes. « Comme chercheur, j’aimerais attendre trois ans avant de recommande­r l’usage des filets, afin d’atteindre le seuil des sept ans, c’est-à-dire l’âge où le pommier devient rentable, commente Gérald Chouinard. Toutefois, si la punaise marbrée arrive, j’ai l’impression que ça va accélérer les choses. »

« Au Québec, on a beaucoup plus de ravageurs fruitiers qu’en France, alors il faut adapter l’équipement. » – Gérald Chouinard

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Grâce à la diminution du nombre d’insectes ayant accès aux pommiers, les filets pourraient être un rempart contre la propagatio­n du feu bactérien, croit le chercheur Gérald Chouinard.
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