« Je n’y croyais pas, je n’avais même pas préparé de discours »
Lorsque Brigitte Pigeon, productrice de haricots de Saint-Rémi, a été appelée sur scène au Gala Saturne en octobre dernier, elle ne savait pas quoi dire. Elle était sous le choc d’apprendre qu’elle venait d’être couronnée Agricultrice de l’année 2015. Neuf mois plus tard, elle mesure pleinement les effets d’un tel prix.
Le syndrome de l’imposteur
Quand son amie Marie-Josée lui a annoncé qu’elle voulait déposer sa candidature au concours, Mme Pigeon s’est mise à pleurer. « C’est trop… Pourquoi moi? lui a-t-elle dit. Je n’ai pourtant pas l’impression d’avoir fait grand-chose pour les femmes en agriculture. »
Puis, elle remporte le concours régional et, contre toute attente, le concours provincial. « Au début, on se sent un peu comme un imposteur, dit-elle. Mais je me suis rendu compte que j’étais allée à des réunions et à des événements où la gent féminine n’était pas bien représentée et j’ai persévéré. On avait le droit d’être là, nous aussi. »
Avant d’être sacrée Agricultrice de l’année, la productrice de Saint-Rémi n’avait pas beaucoup de facilité à s’exprimer en public. Elle n’avait pas non plus de visées politiques lorsqu’elle assistait à des réunions. Aujourd’hui, Brigitte fait partie du conseil d’administration de la Fédération des agricultrices de la Montérégie-Ouest. Plus qu’à un syndicat, c’est à un réseau de soutien et d’entraide que Mme Pigeon prend part. « J’ai rencontré des femmes ayant les mêmes problèmes que moi. C’était réconfortant parce que, des fois, on se demande si on est seule à vivre ce qu’on vit. »
« Ce que le prix m’a apporté? Un boost de confiance en moi et une très grande reconnaissance », explique Brigitte Pigeon. Elle a appris à parler d’elle-même et de son travail, à fréquenter des galas, à recevoir des prix, et, particulièrement, à transmettre sa passion à d’autres femmes et à les encourager à persévérer.
Femme d’équipe
Brigitte Pigeon est une femme humble qui aime travailler en équipe. Elle vous expliquera rapidement qu’elle gère une trentaine d’employés pendant les récoltes, mais ne vous dira pas qu’elle a élevé sa fille toute seule en plus d’assurer le travail à la ferme. « Je ne dois pas avoir fait ça trop croche, puisque ma fille, mon neveu et ma nièce font partie de la cinquième génération à reprendre la ferme », dit-elle avec humour.
Quand on lui demande si elle incite des jeunes femmes à se dépasser en agriculture, elle raconte l’histoire qu’elle a vécue il y a quelques années : « À la crèmerie de Saint-Rémi, j’ai croisé un père que je connaissais. Il était avec sa fille, qui lui a demandé qui j’étais. Il lui a expliqué un peu mon histoire. La réaction de la jeune fille a été : “Wow, c’est toute une femme, ça, papa! ” »
La jeune fille s’est lancée en agriculture et, cette année, Brigitte a décidé de déposer son dossier dans la catégorie Jeune agricultrice de l’année. « Quand je l’ai appelée pour lui en parler, elle m’a avoué qu’elle avait l’impression d’avoir Céline Dion au bout du fil. C’est fou comme on peut marquer des gens sans s’en rendre compte. »