Des pâturages efficaces jusqu’aux neiges
La recherche pourrait mener certains éleveurs à considérer de nouveaux mélanges de graminées et de légumineuses adaptés au climat nordique, ce qui leur permettrait de faire des économies importantes en utilisant les pâturages le plus longtemps possible dans l’année.
« Les mélanges complexes n’ont jamais été étudiés pour la mise en réserve, qu’on appelle en anglais le stockpiling », explique Carole Lafrenière, chercheuse à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT). La recherche en cours se fait sur trois sites : Normandin au Lac-Saint-Jean, New Liskeard dans le Témiscamingue ontarien et Nappan en Nouvelle-Écosse. Agriculture et Agroalimentaire Canada a d’ailleurs octroyé 97 500 $ à ce projet lors du passage du secrétaire parlementaire Jean-Claude Poissant à Ville-Marie.
Selon l’agronome de l’UQAT, une ferme d’élevage vaches-veaux de 200 têtes pourrait économiser environ 20 000 $ par année en utilisant les pâturages plutôt que le foin récolté, qui occasionne des coûts en diesel, en emballage, en corde, etc. De fait, selon les calculs réalisés par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) à Alma, il s’agirait d’une économie de 1,74 $ par vache par jour.
Différents mélanges sont utilisés (voir encadré), mais l’expérience de Carole Lafrenière montre qu’un mélange de quatre graminées et une légumineuse est pratiquement toujours avantageux. « Jusqu’à maintenant, c’est celui de quatre graminées avec la luzerne qui fonctionne le mieux », indique la chercheuse, qui n’a pas d’explication sur les raisons du rendement « significativement plus élevé » qui est observé avec ce type de mélange.
Pour un pâturage utilisé tardivement en saison, même après un gel mortel, les combinaisons gagnantes ne sont pas nécessairement les mêmes que pour le foin récolté de façon conventionnelle. Le fétuque élevé, par exemple, est moins apprécié des animaux l’été, mais ça change à l’automne. Cette plante possède par ailleurs des racines très profondes et peut résister à une sécheresse mieux que d’autres. L’alpiste roseau est difficile à trouver, mais performe bien si le climat est très humide. Il faudra aussi déterminer à partir de quel moment on cesse de faucher en saison pour que le mélange soit optimal en termes d’alimentation à la date où l’on prévoit amener les animaux au pâturage. La chercheuse fait valoir que le pâturage tardif peut également se faire avec d’autres plantes comme le maïs ou le chou fourrager. « Le point limite, c’est la quantité de neige dans le champ », explique l’experte de l’UQAT.
Carole Lafrenière estime que les conclusions de son étude pourraient être utiles pour les producteurs de lait biologique, même si cela demande une plus grande attention aux valeurs alimentaires disponibles pour respecter la production prévue par les quotas. Les pâturages intensifs en rotation sont utilisés à plus grande échelle au Vermont.
Malheureusement, l’étude sur les mélanges de légumineuse et graminées n’est pas réalisée plus au sud du Québec, où le climat est différent. La station de Nappan, en Nouvelle-Écosse, est à la même latitude, mais le climat n’est pas le même et la région a d’ailleurs connu une sécheresse cette année.