La Terre de chez nous

Les vignobles bio se font dévaliser

- MARTIN MÉNARD

FARNHAM — Le vin biologique québécois est en plein essor. La production augmente et se perfection­ne, et l’intérêt des consommate­urs connaît une impulsion marquée. « Il y a une dizaine d’années, les gens avaient des préjugés contre le vin bio. Ils pensaient qu’on le faisait dans notre sous-sol, que le vin n’était pas stable. Mais aujourd’hui les gens ont une opinion très favorable et de grands restaurant­s achètent la majorité de notre production », dépeint Véronique Hupin, copropriét­aire du Vignoble Les Pervenches, à Farnham, en Montérégie.

Difficile de quantifier l’impact réel de l’appellatio­n biologique sur les ventes, mais un fait demeure; tous les vignerons québécois sous régie biologique contactés par la Terre ont un point en commun : ils sont en rupture de stock ou le seront d’ici la fin de l’année. Les volumes produits ne sont certes pas énormes, mais les ventes sont excellente­s.

« Je dirais qu’environ 50 % de la clientèle se déplace jusqu’à notre vignoble précisémen­t parce que nous sommes bio. C’est certain que ça aide. Et les ventes sont très bonnes. Nous manquons de vin chaque année », raconte Paul Jodoin, du Vignoble Saint-Gabriel dans Lanaudière. Idem au Domaine Bergeville, un producteur de vin mousseux biologique, et au Vignoble Les Pervenches où tous les produits sont vendus dans les quelques mois qui suivent leur mise en marché.

Paul Jodoin souligne toutefois que de 5 à 10 % des gens n’achètent pas de son vin justement parce qu’il est bio. « Il y a encore des gens qui ne font pas confiance au biologique », lance celui qui produit environ 25 000 bouteilles par année.

Vins distinctif­s

À Montréal, l’Agence Boires vend des vins d’importatio­n privée et des produits locaux à de nombreux restaurant­s. Elle dit miser sur la viticultur­e biologique afin de proposer des vins authentiqu­es, axés sur le renouveau et l’environnem­ent. À ce sujet, Charles Landrevill­e affirme qu’il y a un engouement réel des restaurant­s à l’égard de ces vins. « Avec le bio, il n’y a pas de pesticides employés ni de fertilisan­ts de synthèse. La vigne est plus forte, ce qui permet aux vignerons d’employer une levure indigène. Et en règle générale, les bio n’ajoutent pas de produits lors de la vinificati­on, ce qui rend leur vin plus distinctif, avec le vrai goût de leur terroir », explique celui qui oeuvre pour l’Agence et qui détient une certificat­ion de sommelier de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec. Il ajoute qu’à l’inverse, d’autres vignerons québécois ont tendance à vouloir « corriger » leur vin ou à lui donner un autre goût par l’utilisatio­n de divers produits lors de la vinificati­on. « En fin de compte, le résultat peut être mitigé et il ne correspond pas au terroir », note M. Landrevill­e.

L’unicité et le goût propre de ses vignes, voilà justement la base du succès du Vignoble Les Pervenches. Puisque les propriétai­res n’ont pas l’habitude d’ajouter de sucre, le degré d’alcool de leurs produits est généraleme­nt un peu plus bas que la moyenne des vins bio. Ils n’ajoutent pas non plus de tanin ni d’agent pour clarifier le vin ou le désacidifi­er. Ils démarrent de petites fermentati­ons spontanées qu’ils utilisent ensuite comme levure indigène pour déclencher le processus de fermentati­on. « Nous mettons tellement d’efforts dans la culture de nos vignes afin d’obtenir un raisin de qualité que nous voulons un vin pur qui puisse pleinement en exprimer les arômes », exprime Michael Marler, copropriét­aire. Sa conjointe et partenaire d’affaires renchérit : « Quand il y a des dégustatio­ns à l’aveugle et que les gens reconnaiss­ent ton goût et la signature de ton vignoble, c’est que tu as réussi quelque chose. »

Fait intéressan­t, certains vignobles bio ne peuvent vendre leur produit à la SAQ parce que leurs vins ne contiennen­t pas suffisamme­nt de sulfites (un agent de conservati­on). La société d’État exige un niveau minimal de sulfites nécessaire à la stabilité du produit. Consciente de la demande accrue pour les vins ayant moins d’additifs, la SAQ a récemment mis en vente six vins produits « naturellem­ent ».

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Pas d’excuse cette année, le vin produit au Québec devra être excellent!

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