La Terre de chez nous

Le maïs de Neuville bloqué à Québec

- MARTIN MÉNARD

Les producteur­s de maïs sucré de Neuville travaillen­t depuis cinq ans à une appellatio­n visant à protéger leur produit contre l’usurpation, soit le faux maïs de Neuville vendu dans les marchés publics. Le cahier des charges est prêt, le certificat­eur est choisi; il ne manque que le sceau du ministre. Les agriculteu­rs se croyaient donc au bout de leurs démarches, mais ils viennent plutôt d’apprendre que Québec ne donnera pas une suite positive à cellesci, pour l’instant.

Exigences bureaucrat­iques

Les producteur­s ont demandé de protéger le terme « maïs sucré de Neuville », mais aussi « maïs de Neuville », « blé d’Inde de Neuville » et « sweet corn of Neuville ». L’élément qui fait tergiverse­r Québec concerne justement les nombreuses déclinaiso­ns de l’appellatio­n, lesquelles pourraient limiter le droit des autres commerçant­s. Mais ces déclinaiso­ns sont justement nécessaire­s, estime l’agriculteu­r Gaétan Gaudreau. « J’ai rencontré mon député. Il nous a dit que protéger des noms similaires comme “blé d’Inde de Neuville”, ce n’était pas correct. Mais à quoi ça nous servirait de faire protéger le terme “maïs de Neuville” si quelqu’un a le droit d’utiliser le terme “blé d’Inde de Neuville” pour vendre du maïs qui ne vient pas de Neuville? Par chez nous, maïs ou blé d’Inde, ça veut dire la même chose. On mange du maïs à des épluchette­s de blé d’Inde », soulève M. Gaudreau, président de l’Associatio­n des producteur­s de maïs sucré de Neuville.

Lorsque la Terre lui demande si ces exigences bureaucrat­iques le découragen­t, M. Gaudreau répond : « J’emploierai­s un autre mot, qui ne s’écrit pas dans un journal. Je préfère demeurer poli, même si on pensait que c’était enfin fait [l’appellatio­n]. Après toutes ces heures investies dans le processus, à organiser des rencontres, à écrire des courriels, à corriger ci, à corriger ça... On ne comprend pas le gouverneme­nt », ajoute-t-il.

Idem pour le CARTV

Étonnammen­t, même l’organisme gouverneme­ntal responsabl­e des appellatio­ns, le Conseil des appellatio­ns réservées et des termes valorisant­s (CARTV), dit ne pas comprendre la décision du bureau du ministre de l’Agricultur­e. « Il apparaît clair pour le CARTV que protéger le terme “maïs de Neuville” revient aussi à protéger le terme “blé d’Inde de Neuville”. Autrement il risque d’y avoir confusion chez le consommate­ur et ce sera impossible de sanctionne­r », commente la directrice, Anne-Marie Granger Godbout.

Peu de réponses

La Terre a contacté le bureau du ministre de l’Agricultur­e afin de comprendre ce qu’il exigeait des agriculteu­rs pour finaliser ce projet d’appellatio­n. C’est le porte-parole du ministère qui a rappelé, indiquant que l’organisati­on ne commentera­it pas ce dossier, sous prétexte que « c’est le ministre de l’Agricultur­e qui accepte ou refuse une appellatio­n ». Nouveau coup de fil au bureau du ministre où l’on nous a répondu qu’il y avait certaines imprécisio­ns dans la demande d’appellatio­n et donc une non-conformité. Le bureau du ministre a cependant refusé de nommer ces « imprécisio­ns », préférant nous diriger vers le CARTV. La directrice, Anne-Marie Granger Godbout, qui venait de s’entretenir avec le bureau du ministre, a précisé à la Terre que le bureau du ministre veut « des arguments additionne­ls afin de documenter le fait que nous demandons de protéger d’autres déclinaiso­ns [ex. : blé d’Inde] de l’appellatio­n “maïs sucré de Neuville” ».

Et quels seront ces arguments additionne­ls? « C’est ce que nous évaluerons avec les producteur­s. Est-ce que nous devrons lancer une consultati­on publique pour vérifier si le consommate­ur emploie “blé d’Inde” et “maïs” pour désigner le même produit? Ce sera à voir », mentionne Mme Granger Godbout, qui souhaite que le processus aboutisse rapidement.

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Le projet d’appellatio­n du maïs sucré de Neuville est bloqué, essentiell­ement parce que des fonctionna­ires désirent des arguments supplément­aires prouvant que pour le consommate­ur, les termes « maïs » et « blé d’Inde » désignent le même produit. Le...

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