La construction en milieu agricole et la CNESST
Le juge Sylvain Provencher de la Cour supérieure vient de statuer, au palais de justice de Sherbrooke, que les travaux de construction dans une ferme sont assujettis à la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST).
Le litige avait été soulevé à la suite d’une visite, le 28 octobre 2014, de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (CNESST) à la Ferme Trigenco inc., à Westbury dans les Cantons-de-l’Est. Un inspecteur avait alors constaté que quatre personnes remplaçaient des bardeaux sur le toit d’un immeuble résidentiel : les trois propriétaires de la ferme et un certain Claude Côté, présenté comme un travailleur autonome. Un seul d’entre eux portait un harnais de sécurité qui n’était pas attaché à un ancrage. Personne ne portait de casque de construction. L’échelle était trop courte et il n’y avait aucun garde-corps.
L’inspecteur avait alors ordonné l’arrêt des travaux. Refusant d’obtempérer, l’un des propriétaires de la ferme, Kenneth Coates, avait déclaré à l’inspecteur : « C’est agricole ici; les hors-décrets, ce n’est pas notre affaire. » L’inspecteur avait produit un rapport complet avec des photos du chantier.
Selon Pierre Turgeon, porte-parole de la CNESST, deux constats d’infraction avaient été émis, un pour entrave au travail d’un inspecteur et l’autre pour refus d’obtempérer à un ordre. Des amendes pouvant aller jusqu’à plusieurs milliers de dollars sont prévues dans de tels cas. Les propriétaires de la ferme ont contesté les deux avis d’infraction à la Commission des lésions professionnelles (CLP) en argumentant que la CNESST n’avait pas juridiction sur leur entreprise.
Jugement
Dans sa décision, la Commission a conclu, le 8 octobre 2015, que Claude Côté était bel et bien un travailleur à l’emploi de la ferme et que la Loi sur la santé et la sécurité du travail s’appliquait. Ce jugement a été porté en appel devant la Cour supérieure et le juge Sylvain Provencher est arrivé à la même conclusion : « Lorsqu’on incorpore une entreprise et qu’on profite des avantages que cela procure, il faut accepter les inconvénients que cela peut nous apporter. »
Le juge a poursuivi : « Cela étant dit, la CLP était dans son droit de conclure que les travaux de réparation de la toiture de l’immeuble de Trigenco constituaient un “lieu de travail” au sens de la LSST et, dès lors, l’inspecteur avait toute autorité pour intervenir sur ce lieu. »
Les propriétaires de la ferme pourront se défendre le 24 novembre au palais de justice de Sherbrooke où ils devront répondre à deux constats d’infraction. Pierre Turgeon, de la CNESST, a mentionné que les producteurs agricoles ont également droit aux indemnisations en cas d’accident de travail. Les modalités sont détaillées sur le site Internet de la Commission.