Le lait avant la génétique
Faute de revenus suffisants, les éleveurs délaissent un peu la haute génétique et l’achat d’embryons pour se concentrer sur la production de lait.
La baisse mondiale du prix du lait entraîne des conséquences majeures pour les éleveurs québécois. Faute de revenus suffisants, ils délaissent un peu la haute génétique et l’achat d’embryons. Par contre, le marché des vaches demeure actif, l’ajout de quota suscitant visiblement un certain intérêt.
« Tout le monde s’enligne pour faire du lait », témoigne AnneMarie Bissonnette, du Centre Bull d’or génétique de Kamouraska. Sans détour, elle admet que le marché des embryons s’est écroulé ces deux dernières années. Les ventes de la Ferme Rayon d’Or, qui appartient à son conjoint Steve Moreau, ont diminué de moitié et « c’est encore pire cette année ». Plutôt que de s’acharner, ils ont formé une compagnie pour vendre de la semence de taureau. Contexte oblige, les semences à 1 000 $ la dose trouvent difficilement preneur.
« Les éleveurs, indique Anne-Marie Bissonnette, ne veulent pas dépasser 40 $ la dose aujourd’hui. Tout le monde est accoté. Plusieurs pensent à la robotisation ou à l’agrandissement pour faire du volume. Assez majoritairement, ils croient que les quotas vont tomber. Les belles années sont finies! »
Laurent Lambert est marchand d’embryons et de vaches. Il possède aussi un troupeau de Jerseys à Louiseville. « Pour m’amuser », précise-t-il. Il confirme que la vente d’embryons est au ralenti, peut-être en baisse de 25 %. Il parvient tout de même à en exporter, notamment en Russie. « Les producteurs de lait ont besoin de vaches pour remplir leur quota, indiquet-il. Disons que les génisses fraîchement vêlées se vendent très bien. »
Madison
À la Ferme du Hibou, à Saint-Henride-Lévis, Yves Labbé et Nathalie Bilodeau constatent aussi un ralentissement dans la vente d’embryons. Ils rentrent cependant tout juste de Madison où l’une de leurs vaches, DuHibou Fever Piranha, cédée à un éleveur américain l’an dernier, a remporté le titre de championne Junior Holstein. Ils ont aussi décroché le titre de 1er Troupeau Junior avec les trois bêtes amenées au Wisconsin. Accompagnés de leurs quatre enfants, ils ont assisté à ce couronnement.
« C’était notre Walt Disney », jubile encore Yves Labbé. Ils y ont d’ailleurs vendu la soeur de Piranha. Plus d’un acheteur s’étant montré intéressé, ils pensent avoir obtenu un bon prix. « C’était l’fun », témoigne le propriétaire, révélant que plusieurs éleveurs se sont aussi informés des embryons de ses soeurs.
« En raison du contexte, les gens vont hésiter à donner un fort prix et ils vont être plus rationnels dans leur choix », reconnaît Yves Labbé. Afin de profiter de cette « lancée », il sera au Suprême laitier de Saint-Hyacinthe cette semaine et à Toronto la semaine suivante.
Philippe Grandjean, éleveur Ayrshire de Sainte-Perpétue, sera également à Saint-Hyacinthe. Il a aussi une excellente raison de s’y présenter. À sa première participation à Madison, il a décroché le titre de Grande Championne avec Margot Patagonie, une vache de 7 ans qui en est à sa 5e lactation. Toute la généalogie de cette vache exceptionnelle provient d’ailleurs de la Ferme Margot, soit sept mères, ainsi que le père, Margot Calimero, un champion Ayrshire réputé dans le monde entier. Il a également vendu des embryons sur tous les continents et reconnaît que le titre remporté à Madison a suscité la convoitise. « Je vais essayer d’obtenir des embryons in vitro pendant que la vache est gestante, déclare-t-il. C’est la première fois que je vais faire ça. »
Yves Labbé convient que la demande pour les embryons a diminué depuis deux ans. Il admet être un peu à l’abri des variations de prix en raison de la qualité exceptionnelle de son élevage. Ses principaux clients se trouvent aujourd’hui en Finlande.
« Les éleveurs ne veulent pas dépasser 40 $ la dose aujourd’hui. Tout le monde est accoté. »