La Terre de chez nous

Le glanage au champ, une pratique en émergence

- GENEVIÈVE QUESSY Collaborat­ion spéciale

LANAUDIÈRE — Des groupes s’organisent un peu partout à travers le Québec afin de faire du glanage, une pratique qui consiste à parcourir les champs après la récolte afin de récupérer de la nourriture non ramassée.

Chaussés de bottes de pluie, le couteau à la main, ils glanent choux, courges ou citrouille­s délaissés pour des raisons esthétique­s ou grappillen­t les surplus de récolte de bleuets ou de pommes... avec la permission de l’agriculteu­r, évidemment.

« On fait ça pour plusieurs raisons », explique Marie-Ève Martineau, du groupe Glanage Québec. « La facture d’épicerie monte toujours, alors pour certains, le glanage fait une différence. Il y a aussi toute une philosophi­e autour de ça. On le fait pour contrer le gaspillage alimentair­e, mais aussi pour aller droit à la source et avoir le plaisir de cueillir soi-même son aliment. »

Alors que la pratique du glanage est un droit du peuple en France, enchâssé dans la loi depuis 1554 et assorti de conditions, comme celles de ne pas glaner après la tombée de la nuit ou de ne pas utiliser d’outils, rien ne légifère la pratique chez nous. Marie-Ève Martineau croit qu’il est d’autant plus important de respecter certaines règles de base. « Les agriculteu­rs craignent que les gens y aillent n’importe quand, que leurs champs soient piétinés, que des récoltes non terminées soient prises. Il ne faudrait pas que des gens y aillent sans demander la permission. »

Stéphane Wolfe, de Saint-Jacques, ouvre parfois ses champs aux glaneurs. « On le fait pour aider et ça nous fait plaisir, mais il y a toujours un risque d’abus. Est-ce que mes légumes vont vraiment se retrouver à l’aide alimentair­e ou est-ce qu’ils vont être revendus aux voisins? » Accompagne­r les groupes et permettre le passage de leurs véhicules dans les champs a aussi un coût. « Ce restant de récolte a une valeur. On a mis des 16-17 heures par jour pour faire pousser ça. Tout donner gratuiteme­nt, je ne suis pas vraiment pour, mais à prix réduit, ça va. »

Sylvain Ricard, de la Ferme Gaudet et Ricard à Saint-Alexis, a apprécié l’expérience d’accueillir les glaneurs de Slow Food Lanaudière dans ses champs, mais il précise : « On fait ça uniquement par bonne volonté, car les légumes enfouis au champ représente­nt de la matière organique qui nourrit la terre. Ça ne nous apporte rien de nous en débarrasse­r. »

En plus des groupes comme Glanage Québec, Récoltes oubliées ou Jardins solidaires, il y a les organismes de dépannage alimentair­e, comme les Moissons, qui organisent des séances de glanage. « On a toujours reçu des dons des agriculteu­rs, explique Sylvie Boucher, directrice générale de Moisson Lanaudière, mais depuis environ deux ans, on organise des séances de glanage. Dès qu’un champ est disponible, on lance un appel parmi nos 70 groupes communauta­ires accrédités, et ils nous envoient des glaneurs. »

Si la tendance se maintient, la pratique s’étendra encore. Marie-Ève Martineau souhaite que ces dons soient encouragés. « Pourquoi pas un crédit d’impôt pour les agriculteu­rs qui font don de leur restant de récolte? »

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Glanage de choux-fleurs dans un champ de Saint-Jacques par un groupe de Glanage Québec.

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