Les producteurs feront leurs frais cette année
« Des producteurs ne faisaient pas leurs frais ces dernières années mais, avec la récolte de 2016, qui sera la meilleure de l’histoire du Québec, les entreprises ont de plus grands volumes de fruits à l’hectare. Le taux de change aussi nous sauve; la plupart devraient donc réussir à dégager un bénéfice cette année », indique Martin Le Moine, producteur et président de l’entreprise de transformation Fruit d’Or.
D’après ses calculs, un producteur de canneberges pourrait obtenir un bénéfice de près de 2 500 $ l’hectare sous régie conventionnelle et de 17 000 $ l’hectare sous régie biologique. Ces montants varient évidemment selon le taux d’endettement de chaque entreprise.
Sauf que…
L’État du Wisconsin, aux ÉtatsUnis, l’autre gros producteur mondial de canneberges, a aussi obtenu une récolte abondante, ce qui laisse croire à M. Le Moine que le prix pour les canneberges sous régie conventionnelle ne devrait pas connaître de hausse. Des propos qu’appuie Marc Bieler, président de Canneberges Atoka. « On calcule que la récolte mondiale de 2016 augmentera beaucoup les stocks, de sorte qu’il y aura assez de fruits en entrepôt pour fournir plus d’un an de transformation. Je m’attends à ce que le prix soit stable ou un peu baissier, comparativement à celui de l’an passé. »
Le prix de la canneberge bio, qui est près de trois fois celui de la conventionnelle, devrait demeurer stable ou croître légèrement.
Superficies stables
Le développement de nouvelles cannebergières s’essouffle. En 2015, seulement 224 acres de nouvelles cultures de canneberges ont été implantés, comparativement à 546 en 2013 et à 1 213 en 2010.
Le nombre de cannebergières (82) stagne depuis quatre ans et, de l’avis de tous, l’élément premier qui freine le développement de nouvelles superficies, c’est le bas prix des canneberges, d’environ 0,45 $/kg, loin du prix moyen de 1,83 $/kg que les fermes obtenaient en 2008.
« Les vieilles fermes qui ont amorti leurs investissements en équipement lors des belles années affichent un coût de production inférieur aux nouvelles exploitations, mais habituellement, disons que le coût de production oscille entre 0,40 $/kg et 0,50 $/kg », mettait en perspective Monique Thomas, directrice générale de l’Association des producteurs de canneberges du Québec.
Un contexte difficile
Le contexte des trois dernières années n’a pas incité les créanciers à donner leur aval à de nouveaux projets, surtout que les coûts d’implantation sont très élevés. « Aménager le terrain, installer le système d’irrigation et de drainage, acheter les boutures et les planter, ça fait monter la facture à environ 45 000 $ l’acre, excluant le prix de la terre », explique Monique Thomas. Au-delà des investissements, M. Le Moine affirme que le développement des cannebergières se bute aux lois environnementales. « Soulignons que c’est très difficile d’obtenir un certificat d’autorisation du ministère de l’Environnement. Ça prend des années! D’ailleurs, si toutes les fermes de grandes cultures devaient répondre aux mêmes normes environnementales que nous, il n’y aurait plus de production de patates ni de maïs », estime Martin Le Moine.
Signe encourageant, l’accord de libreéchange entre le Canada et l’Union européenne suscite l’espoir d’accroître les exportations de canneberges québécoises vers les vieux continents, soumises actuellement à une barrière tarifaire de 14 à 17 %. Mais pour l’instant, c’est l’effet inverse. « Le marché n’est pas rassuré concernant l’accord. Et d’ici là, les gens préfèrent attendre avant d’acheter », précise le président de Fruit d’Or.