Faire du lait comme jamais
UPTON — L’émission de nouveaux quotas depuis deux ans en raison de la demande croissante de lait a stimulé la fibre entrepreneuriale de certains agriculteurs d’une façon insoupçonnée.
« La fenêtre est ouverte pour prendre de l’expansion et on en profite. On achète tout le quota qu’on peut. Tous les deux jours, on atteint un nouveau record de production. On n’a jamais fait autant de lait de toute notre vie », raconte avec fébrilité Jean-Yves Lacoste, copropriétaire de la Ferme Yves Lacoste & Fils à Upton, près de Saint-Hyacinthe.
Son frère Pier-Olivier tient dans ses mains les plans de la troisième phase d’agrandissement de l’étable. La relève de la famille Lacoste est ambitieuse. Les deux frères veulent détenir un troupeau de 599 vaches en lactation; ils en ont présentement 165. « On travaille très fort pour faire croître l’entreprise. Je me dis que si une semaine on ne progresse pas, c’est qu’on a reculé. Notre père est un peu découragé. Il nous parle de faillite quand on fait un gros move, mais je sais qu’on est capables de rentabiliser de gros emprunts. Il s’agit de maintenir une régie rigoureuse », explique JeanYves, l’aîné.
Le taureau de l’entrepreneuriat
L’entrepreneuriat et la soif de réussite sont souvent des sujets tabous dans le milieu agricole, mais plusieurs producteurs laitiers profitent de la conjoncture pour propulser leur entreprise.
Les Lacoste ont fait apposer un nouveau logo sur les vêtements de travail et la machinerie de la ferme, soit celui d’un taureau qui éclabousse du lait autour de lui. « Nous sommes des fonceurs et nous produisons du lait. Ce logo, c’est nous autres », résume Jean-Yves.
Cet enthousiasme, on le retrouve également à la Ferme Caribou, de Terrebonne. Le copropriétaire Jasmin Mathieu jure qu’il vient de connaître « une très grosse année » en matière de profit et de volumes produits. En plus des quotas reçus des Producteurs de lait du Québec, l’entreprise a acheté autant de quotas qu’elle a pu et elle a profité de toutes les journées additionnelles de production permises. Au final, elle a livré en 2016 l’équivalent de deux mois supplémentaires de production. « Oui, le prix du lait a baissé, mais les fermes efficaces qui ont réussi à faire plus de volume en gardant sensiblement les mêmes coûts de production ont fait de l’argent cette année », assure l’agriculteur. Jasmin Mathieu et ses associés se réjouissent du contexte actuel qui leur permet de faire progresser leur entreprise. Presque enclavés par les maisons des citadins, ils n’écartent pas la possibilité de démarrer une deuxième ferme dans un autre secteur si la disponibilité des kilos de quotas est toujours au rendez-vous.
Le pari des Blanchette
Ce n’était pas écrit dans le ciel que la demande de lait augmenterait et qu’autant de kilos de quotas seraient disponibles pour la croissance. À Saint-Charles-sur-Richelieu, Stéphane Blanchette a fait le pari risqué d’agrandir ses installations en 2013. Pourtant, bien peu de kilos de quotas étaient à vendre à cette époque et les perspectives de croissance étaient limitées. Mais ce pari s’est avéré gagnant. « Avec mon agrandissement, j’ai eu la place nécessaire pour produire tous les volumes permis. Oui, c’était un pari, mais cette année, j’ai fait la plus grosse année de ma carrière », affirme celui qui a également consenti de nombreux efforts à améliorer la productivité de ses vaches afin de dégager davantage de profits.
Stéphane Blanchette a augmenté son quota de près de 100 kilos en deux ans et il continuera d’en acheter le maximum possible. « J’ai encore de la place pour produire plus. Il faut profiter de la manne », commente-t-il, conscient que l’accès au quota pourrait devenir plus difficile dans le futur et que ça reste encore risqué. « C’est sûr que c’est du gambling d’acheter encore du quota avec la présence d’un cowboy comme Donald Trump à la tête des États-Unis. Mais si tu veux avancer, tu dois parfois prendre des risques », conclut le propriétaire de la Ferme S.C.H., qui compte près de 270 vaches en lactation.