La Terre de chez nous

Les importatio­ns posent problème depuis… 1994!

- VINCENT DANCAUSE ET MATHIEU DUMONT

Depuis 2015, le lait diafiltré suscite beaucoup de réactions de la part des producteur­s de lait en raison de son importatio­n sur le marché canadien. Cependant, ce n’est pas le premier produit laitier importé au pays à faire l’objet d’une controvers­e. Dès les années 1990, des ingrédient­s laitiers comme l’huile de beurre sucrée et des protéines laitières ont été importés sans réelles limitation­s aux douanes. Voyons de quelle façon et pourquoi ces produits sont importés au Canada.

Retournons en 1994, au moment où le Canada et plusieurs autres pays, au terme du cycle de l’Uruguay, se sont entendus sur un accord commercial très important pour le secteur laitier, c’est-à-dire l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). Cet accord avait pour but de faire baisser les tarifs aux douanes des pays impliqués. Pour protéger la gestion de l’offre, le Canada applique des tarifs élevés sur les produits laitiers, limitant ainsi les importatio­ns puisque certains tarifs représenta­ient près de 300 % du prix des produits. L’accord prévoit toutefois qu’une certaine quantité de produits laitiers peut être importée selon les ententes entre le Canada et les autres pays (contin- gents tarifaires), les tarifs étant appliqués lorsque les quantités dépassent l’entente. Cependant, certains ingrédient­s laitiers ont tout de même été importés, la plupart étant de nouveaux produits. Le mélange d’huile de beurre et de sucre qui a beaucoup fait jaser dans les années 1990 a été le premier ingrédient laitier dont la compositio­n permettait de déjouer les tarifs douaniers appliqués sur les produits laitiers. En effet, ce mélange n’est pas considéré comme un substitut aux produits laitiers lorsqu’il traverse les douanes, et ce, malgré que les trans- formateurs l’utilisent bel et bien comme un substitut dans les crèmes glacées. Les sources de protéines laitières comme les caséines et le lactosérum sont importées au Canada selon le même principe. Par exemple, les tarifs appliqués sur le lactosérum sont de 11 % seulement, ce qui est insuffisan­t pour décourager les pays exportateu­rs. Rappelons aussi qu’à cette époque, la technologi­e limitait la création des différents ingrédient­s laitiers.

Le développem­ent des technologi­es a peu à peu joué un rôle important dans ce secteur puisque certains ingrédient­s laitiers ont été créés après la mise en place des tarifs. Le lait diafiltré en est l’exemple le plus récent. Du côté des transforma­teurs, ces ingrédient­s laitiers sont intéressan­ts puisqu’ils permettent de diminuer les coûts de production. Cependant, il ne faut pas oublier que les quantités importées remplacent les produits laitiers canadiens, au détriment des producteur­s qui doivent ajuster leur production en conséquenc­e.

Il sera intéressan­t de voir comment le gouverneme­nt agira dans le futur pour limiter les importatio­ns d’ingrédient­s laitiers. Le défi est de taille et il est toujours d’actualité, les tarifs n’ayant pas changé depuis 20 ans. Avec la signature récente de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne et celle du Partenaria­t transpacif­ique (PTP), on prévoit que les importatio­ns de produits laitiers seront en augmentati­on. Enfin, le choix des consommate­urs peut faire une différence, positive ou négative, sur la demande de ces ingrédient­s laitiers importés.

Note : Les auteurs sont étudiants en agroéconom­ie à l’Université Laval. Ils ont rédigé ce texte dans le cadre de leur cours Histoire économique de l’agroalimen­taire québécois. En le publiant, La Terre de chez nous contribue à la formation des étudiants et les encourage à poursuivre dans cette voie.

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