La Terre de chez nous

La vie après l’abolition des CRÉ

- ARIANE DESROCHERS

La disparitio­n des Conférence­s régionales des élus (CRÉ) du paysage québécois en 2015 a eu un impact mesurable sur le milieu agricole.

La titulaire de la Chaire de recherche du Canada en développem­ent régional et territoria­l de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), Marie-José Fortin, déplore la perte d’une précieuse expertise provenant des profession­nels qui oeuvraient dans les CRÉ. « Il s’agissait en général de gens très scolarisés qui avaient acquis au fil du temps une connaissan­ce de leur territoire, des acteurs, des réseaux et des dossiers antérieurs, ce qui permettait parfois de faire des pas plus vite », mentionne la professeur­e. Elle croit aussi que le monde agricole a perdu un lieu de réseautage au sein de la communauté régionale.

Plus d’interlocut­eurs

Pour sa part, le fondateur des Serres Dame Nature, Raymond Rouleau, constate que sans CRÉ au Saguenay– Lac-Saint-Jean, le nombre d’interlocut­eurs est multiplié par celui des MRC qui s’y trouvent. Cet ancien serriste donne l’exemple du projet d’atelier pédagogiqu­e que pilote son conseil d’administra­tion des Fêtes gourmandes pour sensibilis­er les jeunes à l’achat de produits bioaliment­aires locaux. Après une première expérience à l’échelle d’une MRC, une démarche a été entreprise pour étendre le projet à l’ensemble de la région. « Il a fallu faire une run de lait et solliciter les MRC une par une, raconte M. Rouleau. Finalement, c’est beaucoup plus difficile de gérer les projets à l’échelle d’une région parce qu’au lieu d’avoir une seule table de concertati­on, il faut parler à quatre intervenan­ts différents. »

Cette réalité se vit aussi en Gaspésie. « Avant, on avait la CRÉ. Là, on travaille avec cinq MRC et on doit se faire connaître de chacune d’elles », souligne Johanne Michaud, directrice générale du Conseil de développem­ent bioaliment­aire de la Gaspésie, né de la fusion des organes de commercial­isation et de concertati­on de la région. En effet, la disparitio­n de la CRÉ a éliminé une source de financemen­t pour l’Associatio­n Gaspésie gourmande et la Table de concertati­on bioaliment­aire de la Gaspésie. « Si on ne s’était pas fusionnés et si on n’avait pas mis nos forces en commun, on aurait été deux canards boi- teux. Là, on garde le cap », mentionne Mme Michaud.

Du bas vers le haut

« Ça change la dynamique », reconnaît le président de l’Associatio­n des directeurs généraux des MRC du Québec, Rick Lavergne, qui ne croit toutefois pas que le milieu agricole pâtira trop de ces changement­s. Il signale que la concerta- tion entre MRC est en train de s’organiser et passe bien souvent par les Tables des préfets.

Selon lui, l’abolition des CRÉ aura au moins eu un aspect positif : « L’important [quand vient le temps de financer des projets], c’est que ça aille du bas vers le haut, affirme M. Lavergne. Parfois, avec la CRÉ, ça allait du haut vers le bas, ce qui n’est pas toujours la bonne façon de travailler. »

Le président a d’ailleurs bon espoir que le Fonds d’appui au rayonnemen­t des régions annoncé par le gouverneme­nt Couillard aidera les MRC à faire face aux nombreuses demandes financière­s redirigées vers elles depuis l’abolition des CRÉ.

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