Sur les traces des Van Winden
Un jour d’hiver 1949, un jeune agriculteur néerlandais est arrivé à Sherbrooke avec tout juste 50 $ en poche. Son rêve? Posséder sa propre ferme. Son ardeur au travail a donné naissance à l’un des fleurons de l’industrie maraîchère québécoise.
Cet homme s’appelait John Van Winden. Avec ses frères Pierre et Arie, il a défriché et drainé à la seule force de ses bras une partie des marécages de la rivière L’Acadie en Montérégie. C’est dans ces terres que ces trois hommes ont semé les germes de Vegpro International, une entreprise de SaintPatrice-de-Sherrington considérée aujourd’hui comme le plus important producteur de légumes frais du Canada.
Cette histoire de ténacité et de résilience est racontée par l’écrivaine et biographe Céline Daignault dans le livre Un rêve cultivé, lancé le mois dernier à Saint-Patrice-de-Sherrington. « C’est l’épopée d’un homme qui ne s’est jamais laissé abattre. Il était doté d’une détermination peu commune! » s’exclame cette passionnée d’histoire régionale.
Échapper à la mort
L’épopée des frères Van Winden force en effet l’admiration.
John Van Winden n’avait que 18 ans lorsque les nazis l’ont envoyé aux travaux forcés dans une usine d’armement en Allemagne. Il est parvenu à s’évader deux mois avant la reddition allemande et, du coup, à échapper à la mort.
Sans avenir sur un continent dévasté, il a décidé en 1949 de traverser l’Atlantique grâce à un programme d’immigration canadien.
Son frère Pierre, un vétéran de la guerre d’Indonésie, est venu le rejoindre l’année suivante. Puis sont arrivés Arie et sa jeune épouse, eux aussi à la recherche d’un avenir meilleur.
Leur destin a pris un tournant après la rencontre avec l’agronome Bruno Landry. Ce conférencier faisait la tournée des écoles d’agriculture pour convaincre les jeunes fermiers de s’établir sur les terres noires de la Montérégie. Par ses inondations à répétition, la rivière L’Acadie avait ruiné bon nombre de cultivateurs au fil des années. Les frères Van Winden ont néanmoins décidé de courir le risque, misant sur le drainage de la rivière amorcé en 1929 par le gouvernement provincial.
Renommée
Au prix d’années d’intenses sacrifices, les efforts des trois familles ont été récompensés. La qualité irrépro- chable de leurs légumes est vite devenue leur marque de commerce auprès des épiciers de Montréal.
Aujourd’hui, les enfants et les petitsenfants de John, de Pierre et d’Arie sont aux commandes de nombreuses entreprises agricoles dans la région de Saint-Patrice-de-Sherrington. C’est pour rendre hommage aux premiers bâtisseurs que le fils cadet de John, Denys, a demandé à Céline Daignault d’écrire l’histoire de sa famille.
« Je voulais raconter les origines de la famille Van Winden ici, mais je voulais aussi relater ce chapitre de l’histoire de l’agriculture au Québec. Mon père et mes oncles ont appliqué le modèle coopératif européen. Ils ont fait des affaires avec les Steinberg et ils ont participé au développement du Marché central à Montréal. De plus, ils ont vu l’exode des agriculteurs expropriés de Laval. Je voulais qu’il reste des traces de tout ça pour les générations futures », explique Denys Van Winden.