Une procédure de travail sécuritaire aurait permis d’éviter le pire
Une procédure de travail sécuritaire en espace clos aurait permis d’éviter le décès d’Alain Beaudry, de la Ferme Beau-Porc, et d’Anthony Lalumière, travailleur de l’entreprise.
Le 27 septembre dernier, l’éleveur de porcs estimé des gens de son milieu et le jeune ouvrier agricole de 18 ans devaient effectuer des travaux de réparation de la tuyauterie située au fond de la préfosse à lisier. Peu de temps après leur arrivée à la porcherie, ils ont été retrouvés inconscients dans la préfosse. Les deux hommes ont alors été transportés d’urgence à l’hôpital, où leur décès a été constaté.
Six mois plus tard, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) vient de révéler les résultats de son enquête sur le drame.
Elle conclut que les deux hommes ont été exposés aux gaz de lisier alors qu’ils se trouvaient dans la préfosse. Malheureusement, aucune procédure de travail sécuritaire en espace clos n’était en place et aucune mesure appropriée de prévention n’avait été prévue.
Sournois
Malgré le danger des gaz de lisier, très peu d’agriculteurs adoptent une procédure de travail en espace clos et possèdent tout l’équipement nécessaire. « Il ne faut pas généraliser, mais c’est assez rare », reconnaît Claude Lapointe, 2e vice-président de la Fédération de l’UPA de la Montérégie. De l’avis du producteur laitier, le plus grand risque consiste à minimiser la menace des gaz de lisier. « On est conscient des risques, mais quand on a déjà travaillé dans la préfosse sans incident, on finit par évacuer le danger », témoigne-t-il.
Cocktail mortel
Le danger des gaz de lisier repose sur un mélange de quatre substances : l’ammoniac, le méthane, le dioxyde de carbone et le sulfure d’hydrogène. « Ce sont des gaz incolores, très insidieux et sournois », insiste la Dre Élisabeth Lajoie, de la Direction de la santé publique de la Montérégie. L’ammoniac s’avère très irritant pour le système respiratoire et les tissus. Ses effets peuvent apparaître à retardement. Pour leur part, le méthane et le dioxyde de carbone prennent la place de l’oxygène dans l’air et peuvent mener à l’asphyxie. Finalement, le sulfure d’hydrogène présente une odeur d’oeufs pourris à faible concentration. Au fur et à mesure que son niveau augmente dans l’air, il cause une paralysie olfactive, des vertiges, de la nausée, une perte de conscience et un arrêt respiratoire en quelques minutes, voire quelques secondes, explique le médecin.
Ces gaz sont libérés dans l’air lors d’un mouvement du lisier. « C’est le même principe qu’une cannette de boisson gazeuse que l’on brasse », illustre Marie-Claude Maheu, inspectrice à la CNESST. « La variation de la concentration des gaz est imprévisible et peut augmenter de façon très rapide en quelques secondes. Quand la concentration s’accroît, il n’y a aucune marge de manoeuvre », prévient la Dre Lajoie.
Prévention
Selon la CNESST, la meilleure façon de prévenir les intoxications aux gaz de lisier est d’éviter à tout prix d’entrer dans la préfosse. « Lorsque c’est possible, il faut sortir l’équipement de la préfosse et faire les réparations à l’extérieur », insiste Audrey-Ann Lambert, inspectrice à la Commission. S’il faut se risquer à entrer dans cet espace clos, il est pri- mordial d’avoir tout le matériel nécessaire, notamment un détecteur de gaz, un appareil de protection respiratoire et l’équipement de sauvetage, tel qu’un harnais. Tout cet équipement coûte de 15 à 20 000 $. « Ce n’est pas tout d’avoir le matériel; il faut savoir l’utiliser », fait remarquer Claude Lapointe. Son organisation s’affaire à offrir aux agriculteurs de la région les services d’une personneressource spécialisée dans le sauvetage et le travail en espace clos. De son côté, la CNESST a produit une vidéo sur les dangers que présentent les préfosses à lisier. Elle peut être consultée au www. cnesst.gouv.qc.ca. « Ce sont des décès qui peuvent être prévenus, conclut la Dre Élisabeth Lajoie. Chaque décès est un décès de trop. »