L’auteur du déversement de lisier à l’UPA s’explique
LONGUEUIL — Michel Fabry, l’éleveur laitier d’Henryville qui s’est rendu en plein coeur de Longueuil pour vider sa citerne de lisier dans le stationnement de l’Union des producteurs agricoles (UPA), affirme ne pas regretter son geste.
Le 15 mai, un peu avant 7 h, l’homme de 56 ans a été pris en flagrant délit par le directeur général de l’Union, Charles-Félix Ross. Le producteur a ensuite fui la scène avant d’être intercepté par les policiers. « L’homme paraissait émotif et avait les yeux bouffis », a indiqué à la Terre M. Ross. Le producteur laitier lui aurait dit : « Ça fait deux ans que j’arrive plus. » Il a laissé sur les lieux une pancarte qui mentionnait : « On veut être payé pour notre lait et notre travail. Nous demandons la démission du conseil d’administration du PLQ [sic]. Pis nos terres ne sont pas à vendre. » Quelques heures après son arrestation, sur les ondes de TVA, M. Fabry a ajouté une quatrième explication à son geste : « Les jeunes de la relève sont inquiets. Ils veulent reprendre la ferme familiale et ils reculent. Il y en a beaucoup qui lâchent. Je trouve ça inquiétant », a-t-il indiqué.
Quatre jours après l’incident, Michel Fabry a assuré à la Terre que la vraie raison de son geste demeure le prix du lait. « Chez nous, c’est correct. Je fais des travaux à forfait. Avec ça, on s’en sort bien. Ce n’est pas seulement chez nous. C’est surtout les jeunes, avec la baisse du prix du lait, qui sont bien découragés; ils n’arrivent pas. Ça fait deux ans que ça dure, a-t-il expliqué. Ils [les membres du conseil d’administration des PLQ] nous disent que depuis un an, le problème est réglé […], mais on voit le contraire. »
L’annonce d’une chute de 2,99 $/hectolitre de lait pour avril est la goutte qui a fait déborder le vase, dit-il. Le 15 mai à 3 h 45, l’agriculteur a pris la route de Longueuil avec son tracteur et sa citerne pleine de lisier, bien décidé à le déverser autour de l’édifice de l’UPA. M. Fabry a avoué avoir été inquiet après l’incident, « mais j’ai eu beaucoup de soutien des agriculteurs. Ça m’inquiète moins maintenant ». Le producteur a dit n’éprouver aucun regret et affirme avoir agi en pleine conscience.
Arrêté puis remis en liberté sous promesse de comparaître en juin, M. Fabry a été conduit à l’hôpital en raison d’un malaise, selon la police de Longueuil. L’UPA a choisi de ne pas porter plainte. Ce sera au procureur de décider si des accusations de méfait de plus de 5 000 $ seront portées contre Michel Fabry. Il n’est pas exclu non plus que la com- pagnie d’assurances de l’UPA entame elle-même des poursuites compte tenu des réclamations résultant du méfait.
Le prix pour cible
L’incident du 15 mai a littéralement enflammé les réseaux sociaux. Les agriculteurs ont été nombreux à signaler leurs difficultés financières. Armand Leclerc, un producteur laitier de Sainte-Claire, rappelle que 80 % de ses confrères ne couvrent pas leurs coûts de production. Il précise toutefois ne pas endosser le geste posé par Michel Fabry. Le président des Producteurs de lait du Québec (PLQ), Bruno Letendre, s’est dit très conscient de la situation vécue par les membres de son organisation. « Mon garçon, qui est associé avec moi sur la ferme, n’a pas que des félicitations pour son père quand la paie baisse comme ça », a-t-il témoigné, dans une lettre envoyée à tous les producteurs laitiers.