La Terre de chez nous

Parler, « qu'ossa donne »?

-

Parfois, juste le fait de nous ouvrir aux autres, de ne pas ruminer tout seul dans notre coin, de cracher le morceau, ça nous enlève un gros poids de sur les épaules. Pouvoir parler de nos problèmes, ça nous aide à envisager des solutions. Avoir quelqu’un avec qui partager ses responsabi­lités, c’est la « recette » qu’a trouvé un agriculteu­r pour se protéger contre le stress. « Quand je ne suis pas seul au travail et que je peux partager avec une autre personne les problèmes qui arrivent sans avertissem­ent, ça évacue le stress. » Se sentir écouté par une oreille attentive rend moins vulnérable à la détresse, d’où l’importance de briser l’isolement.

Juste le fait de savoir que nous ne sommes pas seuls à vivre une situation difficile peut faire du bien. Une agricultri­ce nous a écrit à ce sujet, il y a quelques années, une lettre extrêmemen­t touchante, qui nous est restée en mémoire. En voici quelques extraits. « On a vendu parce que c’était ça ou la dépression pour mon mari et moi. C’est dommage, car nous aimions beaucoup les animaux et notre métier; mais tant de travail et si peu de récompense­s! […] Mon mari a travaillé 20 ans dans cette ferme, 80 h/sem. Il a ruiné sa santé. […] L’an passé, dans La Terre de chez nous, il y avait une lettre d’un couple qui décrivait ses malheurs à la ferme. En lisant cette lettre, mon mari et moi, nous nous sommes mis à pleurer en nous disant que nous n’étions pas seuls dans le même cas. […] Merci, ça vide le coeur. » Alors, nous vous invitons à nous faire part de vos problèmes à coeur ouvert.

Q Ma famille me dit que j’aurais besoin de consulter, que je ne suis plus vivable. Ça va changer quoi à mes problèmes d’aller en parler à une travailleu­se de rang ou à un psychologu­e?

R Le premier réflexe d’un producteur lorsqu’il a un problème, c’est d’essayer de le résoudre lui-même. C’est sûr que vous êtes débrouilla­rd et que vous pouvez assumer plusieurs tâches de front à la ferme. Quand le moteur de votre tracteur est défectueux, vous tentez de le réparer. Par contre, si après plusieurs heures, vous vous rendez compte que vous n’êtes pas capable d’y parvenir, que faites-vous? Vous appelez le concession­naire ou votre garagiste afin qu’il le remette en bon état, car vous en avez besoin pour faire vos récoltes. Quand vous vivez une situation difficile, vous essayez aussi de la résoudre seul. Mais si vous n’y arrivez pas, pourquoi n’iriez-vous pas faire un petit ajustement de valve? Peut-être que, tout comme votre tracteur, vous avez besoin de soins particulie­rs. Souvent, le simple fait d’en parler à une tierce personne enlève beaucoup de pression. Vous vous dites probableme­nt que vous n’avez pas le temps. Ne croyezvous pas qu’il est toujours payant de ne pas attendre de tomber en panne avant de faire une bonne mise au point ?

Pour tout le monde, le plus difficile, c’est de prendre le téléphone et de faire les premiers pas. Dans certaines régions, des travailleu­ses de rang peuvent même se déplacer à la ferme pour aller rencontrer les agriculteu­rs. Quel que soit le profession­nel que vous allez consulter, dites-vous que ce n’est jamais faire preuve de faiblesse que d’investir dans soi-même.

Juste le fait de savoir que nous ne sommes pas seuls à vivre une situation difficile peut faire du bien.

 ??  ??
 ??  ?? GINETTE LAFLEUR Doctorante en psychologi­e communauta­ire à l’UQAM NANCY LANGEVIN Travailleu­se de rang dans Chaudière-Appalaches
GINETTE LAFLEUR Doctorante en psychologi­e communauta­ire à l’UQAM NANCY LANGEVIN Travailleu­se de rang dans Chaudière-Appalaches

Newspapers in French

Newspapers from Canada