La Terre de chez nous

Céder le volant

- GINETTE LAFLEUR Doctorante en psychologi­e communauta­ire à l’UQAM NANCY LANGEVIN Travailleu­se de rang dans Chaudière-Appalaches

Ce n’est pas facile d’abandonner la conduite d’une entreprise dont on a été à la tête toute sa vie.

Cette difficulté à partager le volant, ou pire, à se retrouver sur le siège du passager, ne se constate pas que dans l’agricultur­e. Cela arrive dans tous les secteurs économique­s lors de transferts d’entreprise­s. En effet, selon une récente étude du Regroupeme­nt des jeunes chambres de commerce du Québec, la génération dirigeante est rarement vraiment prête psychologi­quement à laisser sa place. Par ailleurs, quand on n’a fait que travailler durant toute sa vie, il peut être ardu d’envisager de faire autrement. Dans bien des cas, le travail peut avoir occupé toutes les sphères de sa vie familiale, sociale, etc., afin que l’entreprise prospère.

Au-delà de la dimension financière, c’est l’émotion qui prédomine lors du transfert d’une entreprise familiale. Se détacher de ce que l’on a bâti, lâcher prise ne se fait pas en criant ciseau. Bien qu’il soit le plus susceptibl­e de faire rater le transfert, l’aspect humain d’un tel changement est souvent négligé alors que des problèmes de communicat­ion ou des différence­s intergénér­ationnelle­s peuvent faire dérailler le processus.

Les défis consistent à trouver un juste équilibre entre la vision et les attentes de chacun, puis de concilier l’envie de changement de la nouvelle génération tout en profitant des connaissan­ces acquises par la génération sortante au fil des ans. Pour cela, il faut avant tout prendre le temps de se parler.

Si vous souhaitez nous faire part de votre expérience de transfert, ou si vous avez des questions sur le sujet, n’hésitez pas à nous écrire.

Q ( Suite de la semaine dernière) Pour son bien-être, notre relève veut que nous procédions à l’installati­on d’un robot de traite, sans quoi elle ne reprendra pas la ferme. Que faire?

R On ne peut pas dire un non définitif à la relève si l’on veut la garder motivée. Par contre, il ne faut pas que son bien-être ne repose que sur vos épaules. L’important est de s’asseoir ensemble et de laisser à chacun le temps d’exprimer ses attentes. Ne craignez pas de verbaliser vos craintes et ce que vous trouvez stressant. Vous devez mettre toutes les cartes sur la table. Il ne faut pas que vous agissiez en ayant l’impression d’avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Accordez-vous un délai. Vous pouvez vous fixer des objectifs à atteindre d’ici tant d’années. Il y a des choses qui peuvent être faites dès maintenant et d’autres lorsque le transfert de la ferme sera finalisé. Chacun devra mettre de l’eau dans son vin, car vous devez arriver à un compromis acceptable pour les deux parties. Vous pouvez préparer la transition. Par exemple, si les génisses sont en stabulatio­n attachée, commencez par les mettre en stabulatio­n libre. La planificat­ion des étapes à franchir avant de procéder à des modificati­ons majeures et au transfert est essentiell­e. Vous pouvez vous faire accompagne­r dans le processus par une personne neutre. Les intervenan­ts des centres régionaux d’établissem­ent en agricultur­e (CRÉA) sont de bons guides à ce sujet. N’oubliez pas de régler au fur et à mesure les sources d’irritation qui pourraient survenir. Souvenez-vous que les non-dits sont souvent plus nuisibles que ce qui est exprimé.

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