La Terre de chez nous

Les objectifs américains dévoilés

- PIERRE-YVON BÉGIN pybegin@ laterre.ca

Les Américains veulent le beurre et l’argent du beurre.

Dans les objectifs publiés la semaine dernière en vue de la renégociat­ion de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), les représenta­nts au Commerce des États-Unis affirment vouloir conserver les avantages du libre-échange. Du même souffle, ils veulent voir leurs fermiers et éleveurs augmenter leurs exportatio­ns.

« On sent que la gestion de l’offre est sous tension », constate Maurice Doyon, professeur-chercheur de l’Université Laval. Celui-ci admet que le document « partisan » relâché par l’administra­tion américaine « n’a rien de surprenant » et qu’il s’adresse d’abord à la population américaine.

En préambule de son document de 18 pages, Robert E. Lighthizer, représenta­nt au Commerce (USTR), indique effectivem­ent qu’un prochain ALENA va procurer aux agriculteu­rs et éleveurs américains de nouvelles occasions d’augmenter leurs exportatio­ns et de renouer ainsi avec la prospérité américaine. En d’autres mots, il s’agit du Make America

Great Again du président Donald J. Trump. Le document précise également que les produits agricoles américains devront trouver un marché d’exportatio­n équivalent à celui trouvé aux États-Unis par les produits étrangers, et ce, grâce à la réduction ou à l’éliminatio­n des tarifs.

Le texte indique aussi que le prochain accord devra chercher à éliminer les barrières non tarifaires aux exportatio­ns agricoles américaine­s, incluant les barrières dites discrimina­toires. Dans cette catégorie, on retrouve les biotechnol­ogies telle la somatropin­e, une hormone de croissance autorisée et donnée aux vaches aux États-Unis, mais interdite au Canada.

Les Américains ont aussi dans leur mire d’autres mesures dites « injustifié­es » qui ont pour effet de limiter « injustemen­t » l’accès à l’exportatio­n des produits agricoles américains. Rappelons que le président américain avait explicitem­ent employé ces qualificat­ifs pour dénoncer l’introducti­on d’une nouvelle classe de lait au Canada. Celle-ci a entraîné la réduction des exportatio­ns américaine­s de lait diafiltré en début d’année.

Aux yeux des Américains, précise Maurice Doyon, ce lait diafiltré tombe dans la catégorie des subvention­s croisées, une mesure jugée « injustifié­e ». Le chercheur de l’Université Laval note que les États-Unis prétendent que la poudre de lait se vend au prix mondial au Canada parce que le prix est plus élevé dans les autres classes de lait. Or, souligne-t-il, le Canada n’exporte pas de lait.

« Ça ne tient pas la route, affirme-t-il. Pour faire des subvention­s croisées, il faut exporter. Aux États-Unis, ils ont aussi différente­s classes de lait et ils exportent. S’il y a quelqu’un qui pratique les subvention­s croisées, c’est bien eux autres. »

Maurice Doyon estime que les ÉtatsUnis auront toute une démonstrat­ion à faire lors des négociatio­ns, le fardeau de la preuve leur revenant. Il ne s’inquiète pas outre mesure de l’issue de ces négociatio­ns, rappelant que la balance commercial­e des États-Unis dans les oeufs et le lait est positive par rapport au Canada.

Notons enfin que Québec vient de nommer Raymond Bachand à titre de négociateu­r, après l’avoir retenu à titre de conseiller le printemps dernier. Les négociatio­ns avec les États-Unis vont débuter le 16 août prochain à Washington pour une première période de cinq jours. Un total de sept périodes est ainsi prévu d’ici la fin de l’année.

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Le vocabulair­e utilisé par les États-Unis laisse à penser à notre analyste que le président Donald J. Trump s’adresse d’abord et avant tout à la population américaine.

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