La Terre de chez nous

Plainte du Canada à l’OMC : une bonne stratégie

- MARCEL GROLEAU Président général de l'Union des producteur­s agricoles

L’accès de Donald Trump à la présidence des États-Unis a changé la donne en matière de commerce internatio­nal. Depuis les années 1950, après la deuxième Grande Guerre, les États-Unis ont joué un rôle géopolitiq­ue important. Ils sont à l’origine, avec l’Europe, de grandes organisati­ons telles que les Nations unies et l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), devenu l’Organisati­on mondiale du commerce (OMC). Depuis l’élection de M. Trump, la stratégie géopolitiq­ue américaine, tant en ce qui a trait à la diplomatie qu’au commerce, a r a d i c a l e ment changé, notamment à l’égard de son allié le plus proche, le Canada. Qu’il s’agisse de l’Accord de libreéchan­ge nord-américain (ALENA) , de l’aéronautiq­ue (Bombardier), du bois d’oeuvre ou du papier maintenant, les douze derniers mois marquent un relent de protection­nisme sans précédent chez nos voisins du Sud. Un nouveau chapitre pourrait bien s’écrire à Montréal à la fin du mois, où se tiendra l’avant-dernière ronde de renégociat­ion de l’ALENA. Certaines sources évoquent une sortie imminente des États-Unis de l’accord commercial. Le gouverneme­nt canadien se dit prêt à toute éventualit­é, mais en fait, le Canada n’a aucun pouvoir et nous devrons vivre avec les conséquenc­es, advenant un retrait américain. À titre de premier partenaire commercial des États-Unis, le Canada est affecté au premier chef par l’attitude américaine. Il n’est toutefois pas le seul pays subissant l’impact des décisions délinquant­es de Washington en matière de commerce internatio­nal. Par ailleurs, malgré toute son influence, M. Trump n’a pas inventé le protection­nisme américain. Depuis toujours et même sous des présidence­s plus modérées, les ÉtatsUnis sont libre-échangiste­s quand ça leur convient, respectent les règles qu’ils veulent bien respecter et se soumettent aux seules décisions qui leur confèrent un avantage. La plainte du gouverneme­nt canadien déposée à l’OMC, le 20 décembre dernier, s’inspire de ce constat et marque un changement stratégiqu­e important. Sans en faire abstractio­n, Ottawa ratisse beaucoup plus large que les seuls dossiers canado-américains et fait la démonstrat­ion que Washington va à l’encontre des règles du commerce internatio­nal avec des dizaines de pays (Brésil, Mexique, Chine, Inde, France, Philippine­s, etc.) depuis plusieurs années. « Les Américains agissent en délinquant­s non seulement avec le bois d’oeuvre et le papier canadiens, fait valoir le Canada dans sa plainte, mais ils sont aussi matamores avec des pâtes italiennes, du jus de citron argentin, de l’acier turc ou des crevettes chinoises », faisait ré ce mment remarquer le chroniqueu­r Francis Vaille, de

La Presse+. Selon plusieurs experts, cet te approche est habile et démontre que l’attitude regrettabl­e des Américains ne se limite pas à quelques partenaire­s et dossiers spécifique­s. Elle est généralisé­e, systémique et représente la règle plutôt que l’exception.

La stratégie canadienne marque un tournant face à ce géant économique.

Porter plainte à l’OMC suppose de longs délais, au bout desquels les décisions peuvent être contestées et portées en appel. Il reste que la stratégie canadienne marque un tournant face à un géant économique qui, jusqu’à maintenant, fait fi des règles, des plaintes et des décisions individuel­les prises contre lui. L’OMC administre un vaste amalgame de règles commercial­es issues d’accords signés par 164 pays. Si l’initiative du Canada porte fruit et que d’autres pays emboîtent le pas, peut-être pourra-t-on, collective­ment, changer les choses en mieux.

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