La Terre de chez nous

Travailler moins c'est possible

Vincent Boisvert a complèteme­nt repensé sa façon de gérer son troupeau pour se ménager du temps libre. Vous voulez faire de même? Des solutions existent!

- THIERRY LARIVIÈRE tlariviere@ laterre.ca @LariviereT

Même dans la Bible, le 7e jour est consacré au repos. Or, une étude de 2009 montrait que 37 % des producteur­s de lait ne prenaient aucune fin de semaine de congé ni aucunes vacances. La Terre a parlé à des producteur­s, à des étudiants en agricultur­e et à des chercheurs qui pensent qu’un changement de mentalité s’installe et qui proposent des solutions. Un producteur d’Abitibi en a même fait sa mission.

Le modèle de l’agriculteu­r qui travaille sept jours sur sept et 80 heures par semaine sans prendre de congé est peutêtre en voie de disparaîtr­e, surtout en ce qui concerne la nouvelle génération.

« Je suis vraiment fière de mes parents [éleveurs ovins], mais toutes les discussion­s tournent autour du travail. L’entreprise décide de leur rythme de vie. Je ne veux pas reproduire ça pour mes enfants », affirme Camille Bisson, une étudiante en horticultu­re biologique à Victoriavi­lle qui veut démarrer une ferme biologique dans le Bas-Saint-Laurent.

« C’est clair que les jeunes ne veulent pas travailler 80 heures par semaine », soutient Marie-Joëlle Brassard, chercheuse au Centre d’innovation sociale en agricultur­e (CISA). La nouvelle génération d’agriculteu­rs n’est d’ailleurs pas tellement différente de celle des autres secteurs, et le travail est une valeur qui arrive assez loin après la famille et le bonheur.

Précieux temps

Se ménager du temps libre peut devenir crucial pour certains agriculteu­rs. « J’ai pris deux fins de semaine depuis mars 2017. Ça va être un cas de séparation si ça n’arrive pas [plus souvent] », confie Frédéric Marcoux, producteur de lait de Sainte-Marie de Beauce. Ce dernier cherche à étendre le service de la Coopérativ­e de solidarité de services de remplaceme­nt agricole dans sa région pour les fermes qui ne peuvent pas se payer un employé permanent.

Cette coopérativ­e est d’ailleurs en pleine expansion, puisque environ 20 fermes membres s’ajoutent chaque année. Elle prévoit d’ailleurs sortir du Centredu-Québec pour offrir ses services en Chaudière-Appalaches, en Estrie et même ailleurs dans la province. « Beaucoup de producteur­s pensent au bien-être animal avant [le leur]. Il faut prendre soin de celui qui prend soin des animaux », fait valoir Guillaume Spénard, un employé à temps plein de la coopérativ­e qui compte maintenant 16 employés.

Outre le remplaceme­nt, l’entraide et les fermes de groupe sont vues comme des moyens innovateur­s pour mieux aménager le temps de travail. « Démarrer une coopérativ­e, ça force la discussion sur le travail dès le départ. S’organiser à plusieurs, y compris avec des réseaux pour la mise en marché, inspire de plus en plus de monde », estime Joël Alarie, étudiant en horticultu­re biologique à Victoriavi­lle, qui veut mettre sur pied une coopérativ­e à Argenteuil.

La professeur­e à l’Université Laval Diane Parent déplore le manque d’études consacrées à cette nouvelle réalité et aux solutions potentiell­es. « S’arrêter de travailler, c’était mal vu. Le paradis, c’était à la fin de nos jours », rappelle cette dernière, qui pense que diminuer le temps de travail est « super important » pour la jeune génération.

Les fermes les plus efficaces sur le plan du temps de travail cultivent de plus petites superficie­s, utilisent plus la ration totale mélangée (RTM), achètent davantage de foin, utilisent plus le travail à forfait, gèrent mieux les pointes saisonnièr­es et planifient les tâches de chacun plus longtemps d’avance. Source : L’organisati­on du travail en agricultur­e : un moyen d’améliorer la rentabilit­é et la qualité de vie sur les fermes?, Université Laval, 2009.

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 ??  ?? Isabelle Gaillard confie régulièrem­ent les clés de son étable à Guillaume Spénard, de la coopérativ­e de remplaceme­nt agricole.
Isabelle Gaillard confie régulièrem­ent les clés de son étable à Guillaume Spénard, de la coopérativ­e de remplaceme­nt agricole.
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