La Terre de chez nous

Trump veut-il mettre un terme à l’ALENA?

- MARCEL GROLEAU Président général de l'Union des producteur­s agricoles

What does Trump want? Voilà une question qui préoccupe bien des gens, journalist­es, politicien­s et observateu­rs de la scène politique depuis 16 mois. L’imprévisib­ilité du 45e président des États-Unis est déstabilis­ante à bien des égards. Elle a même motivé cette question posée au premier ministre canadien Justin Trudeau, le 3 juin dernier à l’émission américaine Meet the Press : « Comprenez-vous ce que les ÉtatsUnis cherchent dans cette renégociat­ion de l’ALENA? »

M. Trudeau a répondu que le gouverneme­nt américain souhaitait un meilleur accord pour son secteur automobile avec le Mexique ainsi qu’un plus grand accès au marché agricole canadien, notamment pour ses produits laitiers. Il a ajouté que le Canada était prêt à « une plus grande flexibilit­é » pour conclure cette renégociat­ion de l’Accord de libreéchan­ge nord-américain (ALENA). Même si son cabinet insiste pour dire que la réponse du premier ministre se voulait générale et ne concernait pas spécifique­ment le secteur laitier, sa déclaratio­n a soulevé beaucoup de préoccupat­ions, car elle détonne des engagement­s pris et répétés sur le sujet depuis le début de cette négociatio­n.

La position défendue jusqu’à maintenant par le gouverneme­nt canadien était ferme et sans ambiguïté. Par ailleurs, les producteur­s sous gestion de l’offre n’ont pas à faire les frais de chaque négociatio­n commercial­e canadienne, comme cela a été le cas dans le cadre de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne ainsi que le Partenaria­t transpacif­ique global et progressis­te (PTPGP).

En réalité, le premier ministre Trudeau aurait pu répondre à l’animateur de Meet the Press qu’il est difficile de négocier avec un partenaire qui ne croit pas aux accords multilatér­aux et qui favorise les tensions commercial­es en menaçant d’imposer des tarifs arbitraire­s et sans fondements.

Fidèle à ses engagement­s lors des élections présidenti­elles et dès son arrivée à la Maison-Blanche, M. Trump s’est retiré du PTP (version précédente du PTPGP). Il préfère les accords bilatéraux dans lesquels il peut plus facilement imposer ses conditions. Il l’a encore fait récemment en proposant des accords commerciau­x bilatéraux distincts avec le Canada et le Mexique, plutôt que de continuer de renégocier l’ALENA. Larry Kudlow, directeur du Conseil économique national de la MaisonBlan­che, disait du président qu’il « déteste les traités multilatér­aux ».

Aux nombreuses critiques de M. Trump à l’endroit de l’ALENA s’ajoutent les demandes déraisonna­bles de son administra­tion depuis le début de la renégociat­ion : fin de la gestion de l’offre, clause crépuscula­ire, éliminatio­n des chapitres portant sur les règlements des différends et règles d’origine dans le secteur automobile. Ces exigences américaine­s sont taillées sur mesure pour faire dérailler la négociatio­n.

Pour des raisons de sécurité nationale, ce qui est totalement absurde, les États-Unis imposent depuis le 1er juin au Canada, au Mexique et à l’Europe des tarifs sur l’acier et l’aluminium. À leur tour, le Canada, le Mexique et l’Europe ont annoncé qu’ils imposeraie­nt des tarifs sur plusieurs produits américains importés. Il s’agit d’une escalade dangereuse qui n’est pas d’ordre à faciliter les négociatio­ns de l’ALENA. Les ÉtatsUnis menacent aussi d’appliquer un tarif sur les voitures fabriquées au Canada, au Mexique et en Europe.

On peut réellement douter de la volonté de l’administra­tion Trump de conclure la renégociat­ion de l’ALENA. Devant l’attitude des ÉtatsUnis, le Canada doit demeurer ferme sur ses positions et se montrer solidaire avec le Mexique. C’est la seule option. L’appui à l’ALENA aux ÉtatsUnis est très important. Les récentes actions de M. Trump inquiètent de plus en plus nos voisins du Sud. Les réactions se font entendre dans plusieurs secteurs et États américains. Le Canada doit garder son sangfroid. Nous ne sommes pas isolés et nous avons du temps.

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