La Terre de chez nous

Ahhhh la liberté!!!!!

- HÉLEN BOURGOIN Agrimom

À chaque année, j’adore ce moment où on sort les taures. Les regarder sortir pour la première fois me rappelle à quel point les premières fois dans une vie sont importante­s.

Lorsque la taure est libérée de son licou, elle observe. Elle observe tout, tout le temps. Elle est confrontée au changement qui fait peur : elle se demande où est son eau, pourquoi la lumière (le soleil) ferme plus tôt et surtout, elle réalise que « ça fait don ben mal une broche électrique ». Mais estelle si différente de moi?

Comme pour la taure, le changement fait peur! Lorsque j’embarque dans un nouveau projet, je me sens comme la taure qui sort le museau dehors pour la première fois. J’ignore où aller, si je dois avancer, si suivre les autres est sécurisant ou paniquant. Souvent, mon entourage me pousse à me dépasser, alors que la taure, de son côté, reçoit un petit coup pour lui indiquer le chemin à suivre. Elle n’a pas besoin de penser, elle n’a besoin que d’avancer.

Plus je regarde les taures et plus je fais des liens avec ma propre vie. J’ai souvent peur d’avancer face à la nouveauté. Je veux l’avis de mes amies pour me rassurer, mais une fois que je suis en route vers mon nouveau défi, je me sens bien! J’observe mes taures et je les trouve chanceuses de savourer autant leur liberté!

Lorsqu’on les sort, je remarque qu’elles hésitent toutes. Elles font des allers et retours entre le champ et la cour près de l’étable avant de réaliser que la liberté goûte bon. Cette liberté que chacun recherche, que chacun veut garder dans sa vie. Elle ne sait pas dans quoi elle s’embarque, si elle reviendra un jour dans sa ferme, si elle va bien s’entendre avec sa gang. Elle ne sait pas si elle va manger à sa faim comme à l’intérieur ou si elle devra constammen­t se battre pour survivre. Elle ne connaît pas encore la pluie ni le soleil, mais elle fait confiance à son maître. Elle se dit que c’est sûrement là qu’elle doit aller, car elle n’a pas vraiment d’autre choix. En fait oui, elle a le choix. Elle pourrait rester en petite boule et pleurer, mais honnêtemen­t, je n’ai jamais vu une taure agir comme ça.

La taure dans le champ réalisera que la vie ne se limite pas à ses deux voisines de box comme à l’intérieur. Soudaineme­nt, elle doit fraternise­r avec plein d’inconnues. Elle n’a jamais été aussi proche des autres qu’aujourd’hui à l’extérieur. Je la trouve courageuse, moi, cette taure-là, parce qu’on va se le dire, passer un été dehors avec une gang de filles qu’on ne connaît pas, ça doit pas être évident. Sans compter les prises de bec (de museau) et les chicanes de têtes fortes qui se passeront dans le pâturage.

Finalement, elle accepte de vivre dans un autre environnem­ent, parce qu’elle se sent bien, libre de courir et faire ce qu’elle veut. Ainsi va la vie de madame la taure... jusqu’en octobre où elle retournera dans ses pantoufles.

Comme pour la taure, le changement fait peur!

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