La Terre de chez nous

L’incertitud­e règne dans le marché des grains

- — Ramzy Yelda Analyste principal des marchés Producteur­s de grains du Québec

Le marché des grains a toujours été affecté par un degré élevé d’incertitud­e. En effet, l’un des principaux facteurs qui ont une influence sur les offres et les demandes de grains, et par conséquent le prix des grains, c’est la météo. Or, les prévisions météorolog­iques des modèles les plus sophistiqu­és ne sont vraiment fiables que pour les trois ou quatre jours à venir. Certes, grâce aux avancées technologi­ques, ces prévisions météo continuero­nt de s’améliorer, mais on ne pourra jamais savoir avec certitude le temps qu’il fera dans quatre ou six semaines en Indiana ou en Montérégie. Par conséquent, les prix des grains seront toujours affectés par les caprices de la météo, mais le marché s’est adapté à cette réalité en développan­t de nombreux outils boursiers qui aident à la gestion du risque.

Le commerce internatio­nal des grains a toujours été lié à un autre risque majeur, celui des influences politiques. Mais depuis l’embargo américain sur les exportatio­ns de grains à destinatio­n de l’ex-Union soviétique en 1980, ce facteur d’incertitud­e était en régression en raison de l’expansion du libre-échange sous l’impulsion de l’Organisati­on mondiale du commerce et de la fin de la guerre froide dans les années 1990. Or, depuis les années 2000, les tarifs douaniers ont fait place à une multiplica­tion de barrières non tarifaires sous la forme de règles phytosanit­aires. Cela a été facilité par les avancées technologi­ques. Les analyses en laboratoir­e passant à des seuils de particules par milliard, cela a fait en sorte que le zéro absolu n’existe plus. Si vous voulez trouver la présence de quelque chose, vous finirez par en déceler des traces.

Entraves au libre-échange

Les entraves au libre-échange sont devenues plus flagrantes récemment. Face à un problème de surproduct­ion locale de maïs, la Chine a prétexté qu’elle n’avait pas approuvé de nouveaux cultivars génétiquem­ent modifiés pour bloquer les importatio­ns de maïs américain en 2014-2015, ce qui a causé des pertes considérab­les aux exportateu­rs. À la suite de bonnes moussons et d’une production abondante, l’Inde a subitement imposé à l’automne 2017 des tarifs prohibitif­s sur les importatio­ns de légumineus­es canadienne­s. Les prix de ces dernières se sont effondrés dans l’Ouest canadien et l’un des principaux exportateu­rs de notre pays aurait de sérieuses difficulté­s financière­s.

La guerre commercial­e qui fait rage présenteme­nt entre les États-Unis et la Chine affecte les prix du grain. En avril 2017, l’Empire du Milieu a soudaineme­nt imposé un tarif douanier de 179 % sur le sorgho américain, forçant 20 navires à changer de destinatio­n et causant une perte de 30 M$ à l’exportateu­r. Au moment d’écrire ces lignes, le négoce mondial du soya est sous la menace de tarifs chinois qui pourraient être imposés sur le soya des États-Unis en représaill­es à des tarifs américains sur les produits chinois. Or, la Chine compte pour près des deux tiers de la demande mondiale tandis que nos voisins du Sud fournissen­t environ 40 % de l’offre. À la Bourse de Chicago, ce risque tarifaire se traduit par une baisse des contrats à terme du soya. Celui-ci se négocie sous une épée de Damoclès et cette crainte se répercute sur les autres grains. La peur ne fait pas bon ménage avec un marché prospère.

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