La Terre de chez nous

Quand ça « clique » assez pour faire un transfert non apparenté

- NANCY LANGEVIN, T.S. Travailleu­se de rang dans Chaudière-Appalaches GINETTE LAFLEUR Doctorante en psychologi­e communauta­ire à l’UQAM

Il n’y a pas si longtemps, un producteur agricole sans relève familiale n’avait pas d’autre choix que de procéder au démantèlem­ent de sa ferme. Aujourd’hui s’ajoute l’option du transfert non apparenté. Tout le monde a entendu parler d’expérience­s qui n’ont pas fonctionné, mais moins de celles qui se déroulent bien. Un cédant et une relève nous ont fait part de leur parcours mutuel bénéfique. Cette semaine, nous présentons le témoignage d’Adrien*, le cédant. La semaine prochaine, ce sera au tour de Mathieu*, la relève.

Comment Adrien en est-il arrivé à envisager cette option? « Je me disais que j’aimais encore l’agricultur­e, mais que c’était devenu trop lourd. J’étais fatigué », confie-t-il. Sans relève familiale, il s’est d’abord tourné vers l’embauche de main-d’oeuvre pour l’aider au quotidien. Cette première solution n’a guère été satisfaisa­nte. « Je finissais toujours par me ramasser avec les fins de semaine et les soirs. Même si j’avais un employé, ce n’était pas mieux. »

Puis, Mathieu, un jeune homme ayant grandi dans une ferme et dont le rêve était d’en acquérir une, l’a contacté. Sans rien lui promettre, Adrien l’a embauché. Avant de se lancer dans cette belle aventure de transfert, c’était important pour Adrien de voir Mathieu à l’oeuvre et d’évaluer s’il allait bien s’entendre avec lui. « Dès le premier appel, je lui ai dit que ce n’était pas nécessaire­ment quelqu’un pour un transfert que je cherchais, mais qu’il y avait des possibilit­és. On devait d’abord travailler ensemble. Je lui ai dit que si la chimie passait bien, on pourrait regarder pour un transfert. » Rapidement, Adrien a vu que ça « cliquait » avec Mathieu. Une bonne dynamique entre cédant et relève est certes une condition gagnante pour démarrer sur des bases solides.

Dès le début, Adrien a apprécié les compétence­s et la motivation de Mathieu. « Il travaillai­t bien différemme­nt d’un employé normal. C’était beaucoup plus facile et plus intéressan­t avec lui. » Ils partagent également une vision commune d’une ferme laitière, ce qui facilite la réussite de leur projet. « Je n’ai jamais été un gars de machinerie, alors c’est sûr que s’il avait dit qu’on allait devoir changer le parc de machinerie, le projet se serait arrêté là! »

Redécouver­te du plaisir de travailler

Adrien voit de nombreux avantages dans ce transfert non apparenté, dont la redécouver­te du plaisir de réaliser ses tâches quotidienn­es. « Travailler avec quelqu’un qui a les mêmes buts et intérêts que toi, ce n’est pas une corvée. Le plaisir de tirer mes vaches est revenu, comme au tout début. Ça me permet de continuer en agricultur­e sans avoir la lourdeur d’être tout seul à la ferme et en plus, mon entreprise continue ses activités. »

S’il a un conseil à donner pour que le transfert fonctionne, il faut que le cédant soit réellement capable de céder, c’est-à-dire faire de la place à la relève, la laisser prendre des décisions. « Si tu n’as pas cette vision-là, il vaut mieux de ne pas embarquer dans un projet de transfert, ça ne marchera pas! »

Le soutien de l’ensemble de la famille dans le processus de transfert à un « étranger » est aussi un gage de réussite. Souhaitant passer plus de temps avec Adrien, sa conjointe et ses enfants appuient son choix. En ce qui concerne l’épineuse question de l’argent, on peut dire qu’il a une famille qui le préfère en forme et heureux plutôt que dépressif avec quelques milliers de dollars en plus.

« Tout le monde a entendu parler d’expérience­s qui n’ont pas fonctionné, mais moins de celles qui se déroulent bien. »

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