La Terre de chez nous

ALENA : la ligne rouge doit inclure la gestion de l’offre

- MARCEL GROLEAU Président général de l'Union des producteur­s agricoles

Les négociatio­ns entre le Canada et les États-Unis sur l’Accord de libreéchan­ge nord-américain (ALENA) s’accélèrent et tout porte à croire qu’une entente pourrait être conclue incessamme­nt. Divers intervenan­ts au Canada estiment que l’on devrait consentir à des concession­s dans les secteurs sous gestion de l’offre pour favoriser la conclusion d’une entente.

Malheureus­ement, le premier ministre Justin Trudeau laisse planer le doute sur le sujet. Sa position sur le dispositif de règlement des litiges commerciau­x (chapitre 19) et les subvention­s canadienne­s dans le domaine culturel est beaucoup plus ferme que sur la gestion de l’offre, qu’il entend « protéger » tout en étant « flexible ».

Avec cette optique, M. Trudeau oublie que les producteur­s sous gestion de l’offre ont assez donné. Des parts de marché substantie­lles ont été consenties lors de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne (2 %) et de l’accord de Partenaria­t transpacif­ique global et progressis­te (3,1 %). Ces concession­s représente­nt des pertes annuelles et récurrente­s de 260 M$ pour les producteur­s laitiers canadiens, sans véritables compensati­ons. Procéder de la même façon, dans le cadre de l’ALENA, signifiera­it des pertes tout aussi irrécupéra­bles, alors que résister permettrai­t une bonne entente et des gains durables.

De plus, M. Trudeau doit garder en tête que la gestion déficiente des Américains, dans le secteur laitier, amène des surplus qu’ils tentent désespérém­ent d’écouler sur les marchés étrangers. Les fermes laitières aux États-Unis doivent régulièrem­ent jeter des quantités faramineus­es de lait et plusieurs sont dans une situation critique.

Bon nombre de producteur­s laitiers américains affirment eux-mêmes que leurs difficulté­s viennent de ce problème de gestion, et non de l’accès limité au marché canadien.

Comme le mentionnai­t récemment le premier ministre du Québec, nous n’avons pas à servir de déversoir à la surproduct­ion américaine. Et même si c’était le cas, des concession­s du même ordre que celles accordées dans le cadre de l’AECG et du Partenaria­t transpacif­ique permettrai­ent aux Américains d’écouler à peine 0,1 % de leur production en raison de la petite taille du marché canadien. Cela ne réglerait donc en rien la mauvaise gestion du secteur laitier américain et les nombreux déversemen­ts de lait, avec les conséquenc­es que l’on connaît sur l’environnem­ent.

Rappelons que l’apport économique des secteurs sous gestion de l’offre est important : 221 000 emplois dans le secteur laitier canadien ( PIB : 19,9 G$), 87 200 emplois dans celui de la volaille (PIB : 6,8 G$) et 17 600 dans celui des oeufs (PIB : 1,4 G$). La gestion de l’offre permet également de maintenir des emplois partout sur le territoire et soutient fortement la vitalité de nos régions. Soulignons aussi que depuis la mise en oeuvre de l’ALENA, la valeur des produits laitiers américains vendus au Canada est passée de 50 M$ à 557 M$ en 2016. L’an dernier seulement, les trois quarts des importatio­ns canadienne­s de produits laitiers provenaien­t des États-Unis. Notre déficit commercial pour ce secteur a atteint 445 M$.

Tous les pays du monde protègent leur agricultur­e, et encore plus leurs produits sensibles. Les États-Unis le font pour le sucre et les cacahuètes, le Canada le fait pour le lait, les oeufs et la volaille. Le gouverneme­nt canadien a toute la légitimité requise de refuser des concession­s dans ces secteurs, d’autant plus que le Farm Bill américain (1 000 G$ sur 10 ans) n’est pas sur la table. Les producteur­s sous gestion de l’offre n’ont pas à faire les frais de chaque négociatio­n commercial­e. Pour toutes ces raisons, la ligne rouge de M. Trudeau doit inclure la gestion de l’offre.

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